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prendre : on regrette en se taisant, on gémit sans s’expliquer, on ignore sans se plaindre, et pour ceux-là seuls qu’une sérieuse étude et d’austères leçons n’effraient point sont bienvenus les écrits récens qui peuvent remplacer la tradition orale et substituer une connaissance méthodique à l’involontaire enseignement de la conversation familière. Or ils sont rares parmi nos jeunes gens, pressés de vivre et satisfaits d’ignorer, ceux qui consentent à donner de leur temps si bien rempli à la recherche de ce qu’on a voulu, entrepris, achevé, manqué avant eux.

Pour connaître l’histoire de la monarchie de la restauration, les guides pourtant ne leur feraient pas défaut. D’excellens livres ont paru, qui semblent écrits avec l’exactitude d’un récent souvenir et le sang-froid de la postérité. Je crois qu’à défaut d’autres monumens, ceux-là suffiraient pour léguer la vérité à l’avenir. Ce qu’il est le plus essentiel de savoir aura été écrit de nos jours.

Deux ouvrages importans, dont le lecteur a déjà nommé les auteurs, sont en cours d’exécution, et à ce qu’ils contiennent les écrivains de l’avenir ne pourront ajouter que des détails ou ces jugemens nouveaux que suggère l’expérience des siècles. Un excellent résumé avait déjà précédé ces grandes compositions dans la courte et judicieuse Histoire de France dont M. de Bonnechose vient de donner la treizième édition, en étendant son récit jusqu’à la révolution de 1848. Le mérite de cet ouvrage en égale le succès ; mais il n’y faut pas chercher les développemens qui animent l’histoire d’un intérêt vraiment dramatique. Celle que M. Raynald a publiée, il y a tout au plus deux ans[1], est moins sommaire. Écrit avec talent, dans un bon esprit, cet ouvrage, qui manque peut-être d’une ordonnance justement proportionnée, n’appartient déjà presque plus à l’histoire contemporaine. On s’y aperçoit aisément que l’auteur est jeune, et parle de ce qu’il n’a pas vu. Quelques traits hasardés, quelques suppositions douteuses, montrent déjà avec quelle facilité l’exactitude du fait et le ton du vrai doivent s’altérer par l’effet du temps, jusqu’à ce que l’un et l’autre se perdent tout à fait et que l’histoire se change en une combinaison d’hypothèses et en un travail d’imagination ; mais provisoirement ce volume, facile à lire, qui dénote un écrivain, offre, sans risque de grandes erreurs, une idée générale de l’ensemble des temps auxquels il est consacré. Quelques développemens donnés à la dernière moitié du livre, plus de critique dans le choix des anecdotes, une étude plus approfondie des caractères feraient d’une seconde édition de cet ouvrage un excellent abrégé qui n’ef-

  1. Histoire politique el littéraire de la Restauration, en un volume.