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qu’en pouvait retirer la domination française était pesé d’avance : n’était-ce donc, pas tout avantage pour elle que le morcellement du Djurdjura en unités gouvernementales faibles et réduites comme le village, et l’antipathie naturelle des Kabyles contre l’autorité des grands chefs indigènes, et l’organisation intérieure de chaque village presque sur le pied de notre organisation communale ? Les analogies de leurs institutions et de leur caractère avec les nôtres apparaissaient comme autant de prémisses d’une assimilation possible. En respectant ces prémisses, nous inaugurions une politique généreuse et utile à la fois, puisque par un concours heureux l’intérêt kabyle et le nôtre y trouvaient ensemble leur satisfaction. Voilà vraiment pourquoi la conquête a conservé en principe à la société du Djurdjura sa coutume, ses libertés politiques, judiciaires et administratives ; mais l’exercice même du contrôle supérieur par l’autorité française devait rendre certaines modifications nécessaires. Essayons de les résumer.

Le Djurdjura, depuis la conquête, se divise, ainsi que le reste de l’Algérie, en circonscriptions territoriales appelées cercles, dont les chefs-lieux sont à Tizi-Ouzou, Dra-el-Mizan et Fort-Napoléon. Chaque cercle comprend un certain nombre de tribus, il a pour chef un officier français qui surveille la marche des affaires kabyles et y fait intervenir son autorité alors seulement que l’ordre public semble menacé. L’unité d’action pour les trois chefs de cercle émane du général commandant la subdivision de Dellys.

La durée du pouvoir des amines, qui n’était pas la même dans toute la montagne, se trouve maintenant dans chaque village limitée à un an, sauf réélection. Les fonctions, jadis extraordinaires, de l’amine-el-ouména ou amine des amines sont devenues régulières. Chaque année, les amines nouvellement nommés d’une tribu se réunissent pour nommer un amine-el-ouména, qui sert de représentant à sa tribu dans ses relations avec le commandant du cercle, mais dont la voix au sein de sa djemâ ne prévaut point pour cela sur celle du plus humble.

La justice correctionnelle et criminelle est assumée par l’autorité française, régie par le code pénal et exercée par des commissions disciplinaires militaires. Il ne pouvait certes convenir à la mission moralisatrice de la France de consacre, avec la coutume kabyle, la peine du talion et la vengeance individuelle. La djemâ garde les affaires de simple police et la justice civile ; elle garde également le droit d’imposer les amendes établies par les kanouns à tous les coupables de crimes ou délits justiciables de la juridiction française, et même, par un respect particulier pour la sévérité de la loi kabyle en matière d’attentats aux mœurs, l’autorité française abandonne