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prochains « sacrifices. » le plus grand nombre en demeura quitte pour une captivité temporaire ou pour un bannissement à perpétuité qui leur interdisait l’accès de la capitale et de la cour. Quelques-unes enfin reçurent un pardon absolu.

Dès le 20 décembre 1863, l’actif diplomate était reparti de Kana pour aller s’installer dans la capitale voisine, Agbomé (la « ville sans enceinte »). Yingt-quatre heures après y être arrivé, il assistait à la rentrée du monarque, et, pénétrant avec Gelele dans l’intérieur du palais, il y étudiait le théâtre ordinaire des horribles exécutions auxquelles il devait essayer de mettre fin. Le jour suivant, 22 décembre, eut lieu la présentation solennelle des cadeaux adressés au roi par le gouvernement anglais et de ceux que M. Bernasko y avait joints au nom de la mission qu’il dirige. La parcimonie dont le foreign-offîce avait cru devoir user dans cette circonstance témoigne assez qu’il comptait beaucoup sur l’influence personnelle de M. Burton, ou n’attachait qu’une médiocre importance aux résultats de la négociation entamée[1]. Le refus de l’attelage tant désiré par l’autocrate dahomien était particulièrement humiliant pour lui, l’envoyé anglais l’ayant vu rentrer dans Agbomé avec le plus misérable équipage du monde, moitié brougham, moitié cabriolet, traîné d’abord par les gens de la suite, puis soulevé de terre et placé sur leurs épaules. Une chaise à porteurs, offrande propitiatoire d’une des sociétés évangéliques de Londres, ne pouvait être regardée comme suppléant à l’insuffisance de ce véhicule gothique, déjà fort endommagé par les mains brutales des soldats qui en faisaient volontiers leur jouet. Bref les espérances du prince étaient déçues, et un pareil désappointement, quel qu’en fût l’objet, pouvait avoir des suites fort graves. La tente parut trop petite. La pipe d’argent ne servit pas une seule fois, Gelele préférant son « brûle-gueule » en terre rouge. La substitution de deux ceintures aux bracelets dont il avait été question avec le commodore Wilmot n’eut aucune espèce de succès. La cotte de mailles était trop pesante, les gantelets étaient trop étroits, et les menus articles ajoutés par M. Burton lui-même aux présens du gouvernement anglais ne suffisaient pas pour atténuer l’effet d’une déception si cruelle[2]. Les explications relatives au carrosse absent furent accueillies avec une ironie glaciale,

  1. Voici la liste des cadeaux officiels, non compris ceux que M. Burton voulut y joindre personnellement : une tente ronde (quarante pieds de circonférence) en damas de soie rouge, une pipe d’argent relevée en bosse, deux ceintures d’argent avec figures d’animaux (lion et grue), plus leurs écrins en maroquin, deux bouts de table dorés dans leurs boites de chêne, une cotte de mailles et des gantelets.
  2. Un tableau, une boite de parfumerie française, deux pièces de mérinos, une de soie cramoisie, un foulard, une caisse de curaçao et une douzaine de verres à pied en cristal de couleur.