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voyageur qui des états de l’Atlantique arrive dans les plaines de l’ouest ne peut manquer d’être frappé du contraste entre les formes irrégulières des propriétés dans les vieux états et les figures rectangulaires des terres dans les états nouveaux. Grâce au système de numérotage qui a été adopté pour les townships et les sections, un lot dans la prairie peut se trouver aussi facilement qu’une maison dans les rues d’une grande ville.

Ce n’était pas assez de mettre la propriété à l’abri de toutes les usurpations dans des pays sans police, ouverts à tous les aventuriers, où la nature n’a tracé elle-même presque aucune limite et ne fournit aucune défense ; il fallait rendre l’acquisition de la terre aussi facile que les titres sont assurés. L’état n’a jamais concédé les terres, mais il les cède aux conditions les plus libérales. Chacun peut acheter un lot de 40, 80,160, 320 ou 640 acres ou une réunion de semblables lots au prix de 1,25 dollar par acre. La loi exige le paiement immédiat ; mais en 1841 une loi dite de préemption fit une exception en faveur des pionniers établis déjà sur des terres invendues. À la condition qu’ils n’achètent pas moins de 160 acres, il leur est accordé un délai de douze mois, et dans certains cas un délai plus long, pour se libérer envers le trésor. Un émigrant aventureux qui veut user des bénéfices de la loi de préemption choisit un lot ; il s’y établit avec sa famille, bâtit une maison, défriche, ensemence. Il envoie aux officiers territoriaux du district une déclaration écrite où il fait connaître qu’il est citoyen américain, ou, s’il est étranger, qu’il a l’intention d’obtenir la naturalisation. Si le lot qu’il occupe a déjà été offert en vente publique, mais sans trouver d’acheteur, il est obligé de se libérer envers le trésor public après douze mois de possession, et reçoit avec sa quittance un titre de propriété définitif ; si la terre entre dans le réseau géodésique déjà tracé sans pourtant qu’elle ait encore été mise en vente, il n’est tenu de payer la somme de 1,25 dollar par acre que le jour où le lot est offert en vente publique par les agens territoriaux, ce qui peut n’arriver qu’après quelques années de possession.

Pendant mon séjour à Chicago, je visitai les bureaux du chemin de fer de l’Illinois-Central. La compagnie qui a construit les lignes de Chicago et de Dubuque à Cairo est en même temps une grande compagnie foncière, car elle a reçu à l’origine la concession d’une large bande de terrain avoisinant la ligne. Un fermier en quête d’un lot trouve non-seulement dans les bureaux de la compagnie une carte détaillée de toutes les sections qui restent inoccupées, mais il peut y examiner des échantillons des terrains arables pris dans toutes les subdivisions territoriales, une collection de tous les produits agricoles obtenus dans les parties déjà cultivées, blés de