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successifs ont 31, 7 et 25 mètres de haut, On moud annuellement à Rochester plus de 600,000 barils de farine. Les eaux du canal Érié, qui passé au milieu de la cité, traversent la rivière sur un bel aqueduc de pierre qui a 280 mètres de long. Un second canal remonte la vallée du Genesee et va rejoindre la vallée de la rivière Allegnany, qui à Pittsburg, en Pensylvanie, devient l’Hudson en s’unissant au Mohongahela.

j’arrivai dans la nuit au village du Niagara, et m’y rendis à l’Un des immenses hôtels qu’on a construits pour les milliers de voyageurs qui chaque année visitent les cataractes. Je distinguais déjà de loin deux notes profondes, — l’une qui venait des rapides, l’autre des chutes, la première plus élevée, la seconde plus grave et plus solennelle. Dès le matin, je courus au Niagara : les eaux des grands lacs du nord de l’Amérique n’arrivent au lac Ontario, la dernière et la plus basse de ces mers intérieures, que par une large et profonde fracture. creusée dans la langue de terrain silurien qui unit le Canada occidental à l’état de New-York. Ce passage naturel est comme une gigantesque écluse placée par la nature entre les deux lacs Érié et Ontario, dont le premier a un niveau plus élevé de 100 mètres que le second. Les eaux y coulent du sud au nord : avant d’arriver au Niagara, elles descendent un long plan légèrement incliné dont le lit inégal et rocheux forme les rapides. Au bout de ce plan, elles se divisent en deux branches, et, passant à gauche et à droite de l’île dite de la Chèvre, arrivent à l’extrémité de cette île, au précipice où elles s’engouffrent. Entre la petite île qui semble se pencher sur l’abîme et la rive américaine est la plus petite cataracte, dont le déversoir est droit comme celui d’un immense barrage d’usine. Les eaux y courent de l’ouest à l’est, perpendiculairement à la direction générale de la vallée ; du côté canadien, la crête de la grande cataracte a la forme d’un fer à cheval. Les eaux roulent sur ce demi-cercle en masses si épaisses que le nuage de fumée soulevé au bas de la chute monté en tourbillonnant jusqu’à plus de 300 mètres de haut. Une petite tour en pierre a été bâtie sur l’extrême pointe de l’île de la Chèvre : l’observateur placé au sommet voit arriver de loin les eaux qui se précipitent en écumant sur les rapides ; chaque marche du rocher est marquée par une frange blanche et agitée ; çà et là, un rocher détaché du lit ou quelque tronc de sapin échoue s’entoure d’une crête de flots plus élevés et plus furieux. La masse liquide, emportée par son irrésistible poids, vient enfin tomber dans l’enceinte en fer à cheval. La nappe circulaire, verte au sommet, se moire au-dessous de stries argentées qui ondulent et frémissent comme des panaches fouettés par le vent. La belle ligne céruléenne du sommet reste seule immobile, et les eaux viennent passer sous son inflexible