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avec soin, elle est spacieuse, propre, et aux fenêtres bien fermées sourient les visages roses et frais de robustes enfans. Parmi les maisons qui bordent la route à d’assez longs intervalles, j’en distingue une où, dans une grande salle, on n’aperçoit que des bancs de bois ; c’est l’école, qui n’est jamais oubliée.

Après le village de Jefferson, on rentre dans la solitude des bois jusqu’à Littleton. Ce petit bourg est placé sur un affluent du Connecticut, l’Ammonoosuc, dont les eaux, qui roulent entre des rochers, font mouvoir un grand nombre de scieries. Dans ce recoin du Nouveau-Hampshire, quelque chose vint encore me rappeler la guerre et la politique. À la porte de l’auberge était une grande affiche indiquant l’itinéraire du collecteur des nouveaux impôts de guerre dans le troisième district électoral de l’état. Les contribuables étaient invités à venir payer la taxe dite du revenu intérieur à des jours spécifiés dans les diverses villes où le collecteur devait s’arrêter, s’ils ne voulaient aller s’acquitter à ses bureaux d’Orford. Dans les districts ruraux, souvent très étendus, les collecteurs sont obligés, on le voit, de faire des tournées de village en village pour percevoir les impôts : les contribuables reçoivent d’avance par la poste les lettres d’avis où le chiffre de leur quote-part est fixé. Les retardataires sont punis d’une amende qui s’élève à 10 pour 100 du chiffre de leur taxe.

De Littleton part un petit embranchement de chemin de fer qui serpente jusqu’à la grande et belle vallée du Connecticut. La ligne suit toutes les sinuosités de ce fleuve, et le traverse plusieurs fois sur des ponts de bois treillissés, recouverts d’un toit. Tantôt le train reste à l’intérieur de ces galeries, tantôt il roule sur le sommet ; les rails, dans ce dernier cas, sont placés au haut du toit aplati, et l’on aperçoit des deux côtés les eaux transparentes qui descendent sur les rochers. La vallée traverse de riantes montagnes, entre lesquelles le fleuve circule au fond d’une plaine fertile, formée de dépôts alluvionnaires. Les terrains, sont disposés en terrasses naturelles qui se succèdent comme les marches d’un gigantesque escalier. La ligne ferrée suit ces grands plans nivelés d’avance ; sur les larges terrasses se succèdent les beaux champs, les pâturages, les villes florissantes, les villages prospères. Le fleuve s’élargit de plus en plus ; à Holyoke, les eaux sont retenues par un magnifique barrage qui a 330 mètres de long et 10 mètres de haut. Cette force hydraulique donne le mouvement à d’importantes filatures de coton, à des scieries, à des ateliers divers. Un peu après Holyoke, on aperçoit les usines de Springfield. Cette ville est une des plus florissantes du Massachusetts : la population, qui en 1850 était de 11,766 habitans, s’élève aujourd’hui à 20,000. L’arsenal,