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et le visage terrible. Ensuite il faudra se mettre devant les yeux ce même Lucifer convoquant les démons innombrables et les envoyant pour nuire dans tout l’univers, sans qu’aucune cité, aucun lieu, aucune classe de personnes soit exempte de leurs attaques. » Tous les tours de la roue sont comptés. S’il s’agit de l’enfer, « le premier point est de contempler par l’imagination les vastes incendies des enfers et les âmes enfermées dans certains feux corporels, comme en des cachots. Le second est d’entendre par l’imagination les plaintes, les sanglots, les hurlemens et les blasphèmes qui éclatent là contre le Christ et ses saints. Le troisième est de respirer par l’imagination la fumée, le soufre et la puanteur d’une sorte de sentine ou de boue et de pourriture. Le quatrième est de goûter aussi en imagination les choses les plus amères, comme les larmes, l’aigreur, le ver de la conscience. Le cinquième est de toucher en quelque sorte ces feux dont le contact consume les âmes. » Chaque dent de l’engrenage mord à son tour : d’abord les images de la vue, puis celles de l’ouïe, puis celles de l’odorat, du goût, du toucher ; la répétition et la persistance du choc approfondissent l’empreinte. On travaillera ainsi cinq heures par jour. Dans les intervalles de repos, on ne se laissera pas distraire. On ne verra personne du dehors. On évitera de parler aux religieux de la maison. On se gardera de lire ou d’écrire quelque chose qui n’ait pas rapport à la méditation du jour. On y reviendra la nuit. Expérience faite, le traitement produit son effet en quatre semaines, à mon sens, c’est beaucoup ; je connais bon nombre de gens qui, à ce régime, au bout de quinze jours, auraient des hallucinations ; il n’en faudrait pas dix à une tête chaude, à une femme, à un enfant, à une cervelle ébranlée et triste. Ainsi martelée et enfoncée, l’empreinte est indestructible. Vous pouvez laisser passer le torrent des passions et de la vie mondaine, dans vingt ans, trente ans, aux approches de la mort, au temps des grandes angoisses, on verra reparaître la marque profonde sur laquelle il aura vainement coulé.


18 mars. Santa-Maria del Popolo, les couvens, le Quirinal.

Nous sommes allés aujourd’hui à cinq ou six églises ; l’architecture est souvent emphatique, affectée, même extravagante, mais jamais plate.

D’abord à Santa-Maria del Popolo, qui est du XVe siècle, modernisée par le Bernin, mais encore sérieuse. — De larges arcades se déploient en files, séparant la grande nef des petites, et l’effet de toutes ces fortes courbes est grave et grand. Quantité de tombeaux portent l’impression jusqu’à l’émotion tragique ; l’église en est