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telle que la constitution de 1852 l’a fondée, nous n’hésitons point à dire qu’il y a quelque chose de saisissant dans la courageuse franchise avec laquelle l’empereur a lié la responsabilité à l’initiative. Voilà un souverain qui s’avance seul devant son pays et devant le monde et qui déclare avec un accent résolu : « J’exerce l’initiative suprême, mais je prends tout sur moi, je réponds seul de tout ! » Ce spectacle a sa grandeur. Les interrupteurs de M. Jules Favre cherchent sans le savoir à priver de cette grandeur le souverain. Nous nous plaisons à placer d’autres sentimens dans l’âme de l’empereur et à croire qu’il préfère au zèle pusillanime des ennemis de la discussion l’expression grave et mâle de l’opinion de ceux qu’il invite à le juger.

Les scènes parlementaires ne doivent point nous faire perdre de vue le changement qui vient de s’opérer à la tête d’un de nos départemens ministériels les plus importans. M. Boudet a quitté le ministère de l’intérieur ; il est remplacé par M. le marquis de Lavalette. Par une coïncidence curieuse, M. Thiers rendait à l’esprit modéré de M. Boudet un hommage mérité le jour même où M. Boudet cessait d’être ministre. Il est délicat pour un écrivain de louer un ministre de l’intérieur, qui se présente particulièrement à nous sous la forme de ministre des avertissemens. Nous croyons cependant devoir remercier M. Boudet de s’être montré moins féroce envers la presse que certains de ses prédécesseurs et d’avoir apporté à l’intérieur les bonnes traditions administratives. Les antécédens de M. de Lavalette, la présence d’esprit et l’habileté avec laquelle il conduisit autrefois à Constantinople la grande négociation des lieux saints, la franchise et la fermeté courtoise qu’il a montrées plus récemment à Rome, donnent à présumer que l’ancien diplomate ne sera point un ministre de l’intérieur ordinaire. Son entrée au ministère, à ce qu’on suppose, augmentera l’homogénéité du cabinet. M. de Lavalette est un moins nouveau venu au ministère de l’intérieur que beaucoup de gens ne s’en doutent. Si notre mémoire ne nous trompe, il fut attaché au cabinet du ministre sous M. de Martignac. Ce nom de Martignac est à la fois un aimable souvenir et un bon augure. Espérons que celui qui fut l’un des jeunes aides de camp du ministre libéral de Charles X ramènera un éclair de cette élégante gaîté, de cette humeur facile de 1828, si regrettées par nos pères ou par nos aînés, dans ce ministère, depuis si longtemps rébarbatif, qui nomme les préfets, écoute la police, avertit et supprime les journaux.

La politique étrangère, quoiqu’elle ait été effleurée dans quelques discours lus pendant la discussion générale de l’adresse au corps législatif, n’a point été sérieusement abordée encore. L’affaire sera chaude, nous nous y attendons, surtout à propos de l’Italie et de la convention du 15 septembre. Nous aimons mieux attendre ces débats frais que de revenir vers ceux qui se sont engagés au sénat sur le même sujet, et qui seraient oubliés, s’ils n’avaient été terminés par une allocution très logique, très condensée et très chaleureuse de M. Rouher. Après les discours alternés