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à ses élémens essentiels, forme sur la sphère un réseau pentagonal dont les mailles régulières représentent les principaux accidens qui ont successivement déformé l’écorce terrestre. On peut jusqu’à un certain point se figurer cette écorce comme une coquille d’œuf légèrement concassée sur toute sa surface. Le long des ligues de fracture, les montagnes se sont soulevées. Ces lignes, alors même qu’on n’y trouve pas de montagnes, jalonnent quelquefois des accidens entre lesquels on n’avait jusqu’ici soupçonné aucune relation. Le parallélisme des chaînes de montagnes et des autres accidens remarquables, la situation relative qu’ils occupent sur le réseau pentagonal, donnent, pour en fixer la chronologie, des indications qui se combinent avec celles qu’on sait tirer de l’étude des terrains géologiques. M. Reitop, tout en présentant avec beaucoup de netteté ces faits intéressans et en développant l’hypothèse qui sert à les expliquer, les accompagne des réserves qu’il y a lieu de faire au sujet de travaux encore controversés ; tout ce morceau peut être cité comme un modèle d’exposition élémentaire.

Nous en resterons sur cet éloge ; aussi bien n’avons-nous pas ménagé les critiques dans l’examen des récentes tentatives de vulgarisation de la science. Ces critiques d’ailleurs, nous n’hésitons guère à le dire, ne sont point spécialement applicables aux annuaires que nous avons pris pour exemples, il serait facile de les étendre à la plupart des livres analogues. Ainsi généralisées, elles embrassent de droit presque toute cette partie de la presse quotidienne qui se rapporte aux sciences, puisque, ainsi que nous l’avons déjà indiqué, les annuaires ne sont guère composés que de feuilletons que les auteurs n’ont pas toujours pris la peine de revoir. Si nous nous sommes montré sévère envers ces vulgarisateurs superficiels de la pensée scientifique, c’est qu’il nous a paru vraiment opportun de leur dire que le public attend d’eux autre chose que ce qu’ils font. Que les articles qu’ils écrivent au jour le jour soient plus sérieux et mieux étudiés, on peut déjà le leur demander sans montrer trop d’exigence ; mais quand ils prétendent résumer dans un livre les progrès, les conquêtes scientifiques d’une année, il faut qu’ils y apportent plus de soin et plus de méthode, qu’ils ne parlent que de ce qu’ils savent complètement, qu’ils se réunissent au besoin en nombre suffisant pour traiter pertinemment toutes les questions, qu’ils choisissent et contrôlent les faits à placer dans leur annuaire, qu’ils en composent un tableau où les lois de la perspective soient respectées, où l’attention soit naturellement appelée sur les choses principales. Voilà quelques-unes des conditions qu’ils ont à remplir pour être d’utiles intermédiaires entre les savans et le public. Un proverbe accusateur a longtemps pesé sur les faiseurs de traductions ; ils avaient mérité qu’on dît : traduire c’est trahir. Nos vulgarisateurs ont à prendre garde qu’on ne leur applique un jour le célèbre proverbe : il suffirait d’y changer un mot.


EDGAR SAVENEY.