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et émissif de la vapeur d’eau, les explications nouvellement données sur le rôle des montagnes et des glaciers, toute la théorie de l’équivalence de la chaleur et du travail mécanique. M. Dehérain termine son travail par l’exposé des idées de Mayer sur l’origine même de la chaleur solaire. Comment se conserve ou se renouvelle cette chaleur dont l’influence entretient la vie sur la terre ? Le soleil ne se refroidira-t-il pas ? Il se refroidirait vite, en quatre ou cinq mille ans tout au plus, si la chaleur n’était sans cesse régénérée. Dans les idées de Mayer, les pertes que le soleil subit sans cesse par rayonnement sont compensées par la chute des corps célestes qui viennent se précipiter sur la surface de l’astre. Les aérolithes communiquent au soleil, sous forme de chaleur, l’énorme quantité de mouvement qu’ils possédaient dans leur gravitation à travers l’espace. Nous l’avons dit, toute cette masse de faits est bien groupée et nettement présentée par M. Dehérain. D’ordinaire son ton est sérieux, son langage précis ; mais pourquoi de temps en temps, au moment où l’on s’y attend le moins, se jette-t-il dans le dithyrambe ? Pourquoi ce lyrisme intermittent ? Pourquoi par exemple, quand il nous a rassurés sur la question du refroidissement solaire, s’écrie-t-il que « le carquois d’Apollon est inépuisable ? »

M. Reitop retrace en quelques pages très substantielles la théorie de la déformation de l’écorce terrestre et des soulèvemens des montagnes. Il résume les grands travaux que M. Élie de Beaumont poursuit à ce sujet depuis longues années. Il explique comment les couches géologiques, dont l’ancienneté relative est connue, donnent des indications sur l’âge des montagnes. Une montagne a-t-elle soulevé un terrain, c’est qu’elle est plus jeune que lui. Si une couche vient s’étendre horizontalement à ses pieds, la montagne est plus vieille que la couche. On sait ainsi, par exemple, que les Pyrénées sont plus anciennes que les Alpes, car les mêmes couches tertiaires qu’on trouve soulevées au sommet des Alpes viennent s’étendre horizontalement au pied des Pyrénées. Les chaînes de montagnes se sont d’ailleurs soulevées suivant des directions rectilignes, ainsi que le montrent les Pyrénées, le Caucase, les Andes, l’axe volcanique de la Méditerranée, et alors même qu’elles présentent, comme les Alpes, plusieurs soulèvemens successifs, leurs lignes enchevêtrées peuvent toujours être ramenées à quelques directions principales. Ces directions se coupent sous des angles liés entre eux par des rapports simples[1], et cette loi, facile à contrôler dans l’étendue d’une même région, se vérifie sur toute la surface du globe, si on compare entre eux les arcs de grand cercle qui correspondent sur la sphère à la direction des chaînes de montagnes. L’ensemble de ces arcs, patiemment étudié par M. Élie de Beaumont et ramené

  1. Cela est vrai non-seulement des montagnes, mais aussi des fentes souterraines qui ont produit les filons. À la surface même de la terre, les cours des rivières, les contours des rivages, se prêtent à cette décomposition en lignes droites. Les cartes exactes que l’on dresse maintenant présentent des arêtes anguleuses au lieu de ces formes arrondies qu’aimaient les anciens géographes.