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du corps scientifique la confirmation du consentement populaire ; cette assemblée se retire ensuite, « laissant au conseil exécutif le soin de conduire à bonne fin les entreprises logiquement déduites des lois faites par Dieu, découvertes par l’esprit humain, reconnues par tous. »

En voyant ce que la science doit faire pour l’homme, M. Meunier se préoccupe de ce que l’homme doit faire pour la science. Le vulgarisateur, tel qu’il le comprend, doit être un apôtre, un tribun. Autrefois on s’attachait à exposer en langue commune ce qui pouvait être mis à la portée de tous ; mais aujourd’hui il s’agit de « raconter dans la langue de tout le monde les efforts de la science pour arriver à la constitution d’un ordre social nouveau, c’est-à-dire d’un nouvel organisme matériel et d’une doctrine nouvelle. » Il faut montrer les choses scientifiques « par leur résultat dernier, » de chaque objet dire en quoi il concourt au but, de combien il nous en rapproche. Ce n’est pas tout : il faut organiser ce mouvement scientifique. Sans doute, livré à lui-même, ce mouvement se continue sans relâche. Tout travail trouve son ouvrier, « et quand sur une moitié du globe les chercheurs se livrent au repos, les chercheurs sur l’autre moitié se mettent à la besogne ; les deux hémisphères se relèvent tour à tour comme des sentinelles. Le mouvement de la science, insensible comme celui de la planète, est ininterrompu comme le sien. » Ainsi, sans se ralentir, les savans accumulent les matériaux de la régénération sociale, pendant qu’à côté d’eux les hommes d’état s’agitent sur des questions vides et « tournent une meule sous laquelle il n’y a pas de grain ; » mais ce travail est bien lent. Pour réunir les efforts des travailleurs isolés et les multiplier l’un par l’autre, il faut quelque association puissante, quelque corps déjà organisé qui puisse mettre son autorité au service de la grande œuvre. M. Meunier cherche autour de lui et jette les yeux sur l’Académie des sciences. Quel beau rôle elle pourrait prendre ! « Ce siècle se donnerait à elle ; tous les regards, toutes les espérances se tourneraient de son côté ; le retentissement de sa parole serait tel qu’on n’entendrait pas d’autre bruit. La société lui devrait de se connaître et d’avoir conscience de son propre travail. » Ici l’on ne sait si l’on doit sourire ou frémir en songeant à l’utopie sociale dont M. Meunier veut confier l’exécution à une classe de l’Institut. Bientôt d’ailleurs il se détourne avec colère du palais Mazarin : il a vu des académiciens endormis, dénués de toute initiative et de toute vocation sociale ; il a vu les séances incolores de cette assemblée officielle, dont tout le travail se réduit à celui des secrétaires perpétuels lisant au milieu de l’inattention générale une correspondance dépourvue de tout intérêt. C’est donc à une réunion privée qu’il remettra le soin de diriger le mouvement rénovateur, et il formera l’association pour la constitution des sciences. Cette association se recrutera largement parmi tous ceux qui travaillent, soit de la pensée, soit des bras. Ses cadres ne seront remplis que lorsqu’elle aura réuni tous ceux qui vivent dans les laboratoires et dans les ateliers. M. Meunier en trace le plan : sociétés spéciales réparties sur