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ont à éviter et peut-être de marquer quelques-unes des qualités qu’ils doivent offrir.

M. Figuier s’est acquis une certaine notoriété dans la presse scientifique. Quand il traite un sujet de quelque importance, il sait l’exposer avec clarté, dans une langue facile et suffisamment précise. C’est du moins une qualité que présentent quelques-uns des feuilletons qu’il publie dans les journaux quotidiens. Elle est moins sensible dans son annuaire, beaucoup trop vite composé, et qui est un amas de petits faits présentés sans méthode et sans soin. M. Figuier d’ailleurs, et il a cela de commun avec beaucoup de ses concurrens, ne s’est pas mis en frais pour faire son livre ; ce sont ses feuilletons mêmes, gâtés plutôt qu’améliorés, qu’il a découpés en en classant les lambeaux sous des rubriques diverses, astronomie, météorologie, physique, mécanique, chimie, histoire naturelle, hygiène publique, médecine, agriculture, statistique, arts industriels, etc. Il y a joint un grand nombre d’emprunts faits très crûment aux comptes-rendus de l’Académie des sciences. Aucune liaison entre ces matériaux confus.

Si du moins les faits entassés dans les pages de l’Année scientifique et industrielle étaient tous exacts et présentés dans leur vrai jour, on aurait une sorte de compendium utile à consulter, mais cet annuaire n’est point un guide sûr. Hâtons-nous d’ajouter qu’un pareil guide n’est pas facile à trouver. Les théories scientifiques sont encore bien incohérentes, et au milieu du désarroi général il n’est pas aisé de discerner ce qui est vrai et ce qui est véritablement important. Les comptes-rendus de l’Académie, qui sont comme le Moniteur de la science, présentent à ce sujet un spectacle singulier que reflètent le livre de M. Figuier et les livres analogues. Une grande quantité de mémoires et de communications de toute sorte sont adressés à l’Académie des sciences et viennent s’entasser sur le bureau des secrétaires perpétuels. Ceux-ci en font ou sont censés en faire un dépouillement tout à fait sommaire en vue d’éliminer ce qui serait grossièrement erroné ; le reste est livré pêle-mêle à la publicité. Travaux sérieux ou futiles, mémoires inutiles ou importuns vont se confondre dans les comptes-rendus. Par ce temps de production hâtive, il y a des gens qui accablent l’Académie de communications puériles et qui arrivent à se faire connaître du public à force de faire citer leur nom. Les assertions les plus légères, les plus hasardées se produisent effrontément et prennent place à côté de l’exposé des recherches les plus consciencieuses. En présence de ce mélange bizarre, que fait le publiciste, le rédacteur d’un annuaire ? Il recherche les faits les plus piquans ou les plus nets, ceux qui se prêtent le mieux à une exposition lucide et agréable, les théories les plus propres à éveiller l’attention du lecteur. Tout paradoxe est sûr d’être recueilli et colporté. Les annuaires fourmillent donc d’indications fausses. Il y a plus : tel fait qui est vrai par lui-même, qui a été contrôlé par des savans dignes de foi, qui présente toutes garanties d’authenticité, devient faux parce qu’on lui donne une importance exagérée ; c’était un incident, une exception, on