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diplomatie germanique dans la question des duchés. Le ministre du Hanovre, comte Platen, ne tarissait pas aux mois de mars et d’avril de cette année, en éloges sur les ingénieuses propositions de lord Russell ; il tenait absolument à les introduire « de manière ou d’autre » dans la motion qu’il préparait pour la diète fédérale ; il les mit enfin en préambule[1] ! Le comte Rechberg avait au mois de janvier 1863 une grande confiance dans les « puissans argumens employés par le principal secrétaire d’état ; » en avril et encore en juin, il regardait la dépêche de Gotha « comme la meilleure base pour une entente véritable[2]. » M. de Bismark ne manqua point non plus (dans sa dépêche à M. de Balan du 15 avril) de s’emparer de l’expression anglaise de bounds of honour et de reprocher au Danemark d’avoir résisté dans l’automne passé « à la médiation d’une puissance amie et impartiale. » Dans le rapport présenté à la diète fédérale au nom de sa commission exécutive, M. de Pfordten insérait tout au long les passages principaux du document britannique, et dans les résolutions du 9 juillet le Bund lui-même faisait au comté Russell l’honneur de proclamer sa proposition de septembre 1862 « une base acceptable pour un arrangement. » La diplomatie germanique se maintint jusqu’au bout dans la position que lui avait livrée si inconsidérément lord John Russell ; encore à la veille de l’invasion, le président de la diète fédérale se déclarait prêt à traiter sur le terrain de la note du 24 septembre[3], et c’est la dépêche de Gotha en mains : que l’Allemagne devait s’avancer jusqu’à la ligne du Danevirke.

En Angleterre, l’œuvre du principal secrétaire d’état eût un succès bien moins durable. Dans une nouvelle dépêche du 20 novembre 1862, lord Russell avait, il est vrai, maintenu encore et même développé son projet de Gotha. « Nul argument ab inconveniente, y disait-il, ne peut être admis à prévaloir contre des stipulations positives et des engagemens d’honneur. » Il insistait déjà plus faiblement dans une missive du 21 janvier 1863 ; mais depuis il se tut, et lord Palmerston devait bientôt venir déclarer à la chambre des communes que le projet de son noble ami était aussi excellent qu’impraticable. D’ailleurs les complications de Pologne commençaient dès lors d’absorber toute l’attention du cabinet de Saint-James ; peut-être aussi le résultat immédiat de ces complications, le refroidissement de l’entente franco-russe, rendait-il les hommes d’état britanniques moins soucieux maintenant des bonnes grâces

  1. Voyez les dépêches de sir H. Howard au comte Russell des 20 mars, 17 avril, 20 avril 1863, etc.
  2. Dépêches de lord Blomfield des 23 avril et 2 juin 1863.
  3. Dépêche de sir A. Malet du 24 septembre 1863.