Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/752

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’était prétendre tenir par le Holstein, non-seulement le Slesvig, mais le Jutland même et les îles ! Bien plus, avant d’absorber « l’état-amiral, » les Allemands voulaient encore le dissoudre. En attendant l’élaboration de la nouvelle constitution commune, ils demandaient que la charte du 2 octobre 1855 fût abrogée pour toutes les parties du royaume indistinctement, et remplacée par quatre assemblées législatives indépendantes (dans le Holstein, dans le Lauenbourg, dans le Slesvig, dans le Jutland et les îles), quatre assemblées qui discuteraient, chacune séparément, la future loi commune, et auraient, dans le provisoire, « une influence égale sur les intérêts généraux. » Or, pour faire voir la portée de pareilles exigences, il suffira de rappeler simplement les observations qu’elles suggérèrent, dans les premiers jours de 1862, au comte Russell lui-même. « L’Autriche, demandait excellemment le ministre britannique dans sa missive à lord Loftus du 6 janvier 1862, l’Autriche souffrirait-elle que la diète hongroise votât sa quote-part du budget de l’armée et de la marine, et la Prusse consentirait-elle à ce que son budget militaire fût soumis à une assemblée composée exclusivement de représentant de Posen ? Supposons que le Danemark fût sous le coup de quelque danger extérieur, serait-il conforme à l’intérêt de la nation de convoquer quatre assemblées diverses afin d’obtenir les subsides pour l’armée et la marine ? L’Autriche consentirait-elle à voir son armée et sa flotte dépendantes des votes séparés des diètes de Hongrie, de Bohême, de Galicie et de Vénétie ?… »

Ainsi parlait en janvier 1862 lord John Russell. Dès l’automne de cette année, le même homme d’état devait tenir un tout autre langage, un langage assurément bien étrange, en contradiction complète avec tout ce que le cabinet de Saint-James avait jusque-là soutenu et défendu ! Dans sa fameuse dépêche du 24 septembre 1862, le chef du foreign-office commençait d’abord par transcrire une récente note prussienne (du 22 août) pleine de récriminations contre le Danemark : il adoptait comme authentiques les faits allégués dans un document émanant du cabinet de Berlin ! Par un procédé encore plus inusité dans les traditions de chancellerie, et comme si sa majesté la reine Victoria n’avait pas eu d’ambassadeur officiel à Copenhague, lord Russell en appelait aux rapports de ses agens secrets sur l’Eider, rapports « dignes d’une parfaite confiance, » et qui attestaient la violente oppression que le gouvernement de Frédéric VII n’aurait cessé d’exercer sur la population allemande dans le Slesvig. On avait rempli cette province de fonctionnaires danois dans l’administration, de prêtres danois dans les églises et dans les écoles ; on avait laissé exprès en oubli la disposition