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forme. Déjà, dans son discours d’ouverture devant les chambres de Berlin (12 janvier 1859), le prince-régent ne put se dispenser de toucher à la question des duchés ; son ministre le baron de Schleinitz ne tarda point à entamer avec M. Hall, le chef du cabinet à Copenhague, une correspondance de plus en plus aigre, et bientôt un haut fonctionnaire dans le Holstein portait dans un banquet public un toast chaleureux « à Guillaume le conquérant !… » L’Allemagne tressaillit d’aise et d’allégresse ; les chambres de Bade, de Bavière, de Wurtemberg, etc., retentirent d’accens belliqueux ; le Bund de Francfort redoubla de vigueur : il accabla le gouvernement de Copenhague de ses moniloria, excitatoria et inhibitoria. Au commencement de 1861, il prononçait déjà contre le Danemark une « exécution fédérale : » que personne, il est vrai, ne se pressa d’exécuter… Ce qui ajoutait aux espérances et rehaussait le cœur de tous les bons citoyens, c’était de voir le cabinet de Vienne lui-même venir rejoindre la croisade diplomatique, ce cabinet si lent d’ordinaire dans ses mouvemens, et qui avait jusque-là donné si peu de gages à la cause du Slesvig-Holstein ! L’Autriche, en effet, n’avait pris aucune part à la première « guerre de délivrance » sur l’Eider ; elle s’était même alors unie aux autres grandes puissances pour s’opposer à la convoitise prussienne, et son ambassadeur n’avait pas quitté Copenhague dans le courant de 1848. Dès cette époque toutefois, et pendant les négociations de 1851, le prince Schwarzenberg avait subitement « changé d’attitude ; » la prépondérance de la Prusse une fois écartée, la cour de Vienne voulut montrer qu’elle était aussi bonne gardienne du patriotisme germanique que sa rivale, et c’est surtout à la pression de la diplomatie aulique que Frédéric VII avait dû accorder des « explications » si grosses d’avenir. Ainsi avait agi déjà l’Autriche absolutiste de Schwarzenberg. De combien plus de zèle n’était donc pas tenue de faire preuve l’Autriche libérale de M. de Schmerling, l’empire des Habsbourg régénéré par le progrès, s’essayant dans la vie parlementaire et aspirant à l’hégémonie parmi les peuples de la confédération ! L’empereur François-Joseph, devenu souverain constitutionnel, ne put vraiment pas se dispenser d’entendre à son tour un grido di dolore ; il crut l’entendre très distinctement même du côté de la Baltique, et M. de Rechberg tint à honneur de ne pas se laisser dépasser par M. de Schleinitz dans l’amertume de son langage à l’égard de M. Hall. M. de Rechberg fut d’autant plus énergique dans ses paroles qu’il crut ne devoir jamais leur donner suite par les actes, — car il faut bien ne pas l’oublier : par toutes ces violentes démonstrations contre le Danemark, c’était plutôt et même exclusivement une expédition à l’intérieur qu’entendaient faire les