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cette éloquente et pathétique apostrophe : « Vous désirez des jeux publics, habitans de Trèves ; après le sang, après les supplices, vous demandez des théâtres, vous réclamez du prince un cirque ; mais pour qui ? pour une ville épuisée et perdue, pour un peuple captif et ravagé, qui a péri ou qui pleure ! »

C’est encore un édifice romain, le palais, dit-on, de l’impératrice Hélène, mère de Constantin, qui forme la partie centrale, le noyau du Dom de Trèves, la plus ancienne cathédrale de l’Allemagne. Il est difficile à première vue de reconnaître la construction primitive sous toutes les additions, sous tous les changemens postérieurs. Consacrée à saint Pierre, par l’évêque Agritius, vers le commencement du IVe siècle, elle subit déjà une première restauration au VIe siècle, par les soins d’un archevêque correspondant de Justinien, Nicetius, qui demande des ouvriers à l’empereur et les obtient. L’église est brûlée, après Charlemagne, par les Normands, et reste quelque temps abandonnée ; puis elle est rétablie et agrandie en 1019, et encore remaniée au XIIIe siècle. Les réparations exécutées en 1717 et 1810, à la suite d’incendies, n’ont pas pu ne point faire chacune disparaître quelques parties de l’ancienne construction. Aussi éprouve-t-on quelque perplexité quand on se trouve au milieu de l’édifice actuel, au centre de cette croix qui se compose d’une triple nef et d’un double chœur. Si l’on veut sortir d’embarras et apprendre par quelle série d’altérations l’église est devenue le monument complexe et bizarre que l’on vient de visiter, il faut tâcher de se faire présenter au chanoine Wilmosky, et d’avoir le plaisir de parcourir avec lui la cathédrale.

Je ne sais ce qui a conduit M. le chanoine Wilmosky à commencer ses études sur l’ancienne Trèves ; mais personne ne connaît comme lui ce que cache ce terrain tout formé de la poussière du passé, et où le sol romain se trouve, dans certains quartiers de la ville, à quinze pieds au-dessous du sol actuel. Il ne s’est pas, depuis une vingtaine d’années, trouvé à Trèves un fragment antique, découvert les soubassemens d’un édifice, les restes d’une maison, que M. Wilmosky n’ait aussitôt examiné, décrit, dessiné d’un habile et fidèle crayon ce débris de la cité romaine ; il vous fera, par l’archéologie, l’histoire de la civilisation qui a laissé ici tant de monumens, il vous expliquera comment, sous les premiers Flaviens, après la défaite de Classicus et de Tutor et l’apaisement de la révolte, Trèves commence à devenir tout à fait une ville latine, qui appelle à son aide, pour s’orner et s’embellir, tous les arts de l’Italie ; c’est à cette époque qu’il attribue des fragmens de fresques exécutées dans un style élégant et sobre, tout à fait digne des peintures de Pompéi, fragmens qu’il a retrouvés dans les couches les plus profondes