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soins hygiéniques commence enfin à pénétrer dans les classes inférieures de la population. C’est là un legs du moyen âge, un fruit de son ignorance et de son ascétisme, une suite naturelle du mépris qu’il professait pour le corps. Chez les anciens au contraire, à l’époque romaine surtout, grands et petits, riches et pauvres, ont également l’usage et le goût de ces continuelles ablutions ; il en est encore ainsi en Orient, où le portefaix ne saurait pas plus que le pacha se priver d’aller au bain une fois au moins par semaine. La Trèves romaine, capitale des Gaules et même, pendant un siècle, capitale de l’empire d’Occident, devait avoir ses thermes, imités de ces thermes de Titus, de Caracalla et de Dioclétien qui comptaient parmi les plus somptueux et les plus gigantesques monumens de l’art romain et de la magnificence impériale.

On a généralement cru reconnaître les bains publics de Trèves dans un édifice, tout entier construit en briques, auquel s’appuyait l’angle sud-est des fortifications. Il y a peu d’années, ces ruines étaient tellement enfouies, que les fenêtres du premier étage formaient l’une des entrées de la ville ; c’était ce que l’on appelait la Porte-Blanche (Porta-Alba), la couleur des briques étant plus chaude et plus gaie que celle du sombre grès de la Porte-Noire. Le gouvernement prussien a fait déblayer ces ruines, et les fouilles se prolongent encore sur un terrain voisin qu’il a récemment acquis et où se continuent les constructions. Jusqu’à ce que l’on ait dégagé tout le périmètre de ce monument, que l’on en ait étudié toutes les dispositions, et qu’on en ait dressé un plan exact, il sera difficile d’en déterminer avec quelque certitude le véritable caractère ; on pourra y voir, tantôt un théâtre de pantomimes, tantôt une basilique plus tard transformée en église chrétienne, tantôt une partie du Capitole de l’ancienne Trèves. L’opinion de Wyttenbach, qui a le premier parlé de thermes, me parait pourtant la plus vraisemblable. L’étendue considérable que paraît avoir occupée cet édifice est déjà une première présomption ; on sait quel espace couvraient à Rome les thermes de Caracalla ou ceux de Dioclétien. L’aspect général rappelle aussi celui de ces ruines célèbres ; ce sont de grandes salles avec des absides semi-circulaires, ce sont des souterrains soigneusement voûtés où conduisent de nombreux escaliers. Il semble que l’on distingue aussi l’emplacement de larges bassins, de piscines placées au centre des plus vastes pièces. Il y a certainement, près de l’entrée actuelle et de la maison du gardien, les restes d’un énorme fourneau, Quoi qu’il faille en penser, ces ruines sont, après celles de la Porte-Noire, les plus pittoresques de Trèves et celles qui rappellent le mieux l’Italie. À travers les hautes arches béantes, on aperçoit ou les clochers de la ville ou les riantes campagnes qui l’entourent ; les rougeurs de la brique se marient heureusement