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des Francs-Ripuaires, qui s’y établirent en 464 ; mais Trèves, sous ses nouveaux maîtres, ne reconquit pas sa situation de métropole. Toujours rattachée, lors des divers partages qui eurent lieu sous les Mérovingiens, au royaume d’Austrasie, elle se vit préférer comme capitale l’ancien chef-lieu des Médiomatrikes, Divodurum, qui prit alors ce nom de Metz qu’elle a toujours gardé depuis lors.

Il serait trop long de suivre la ville de Trèves dans ses diverses fortunes et sous les régimes différens qu’elle a subis depuis la chute de la puissance romaine. Ce qu’il importe de remarquer, c’est que lors du démembrement de l’empire carolingien, Trèves, qui avait été d’abord une des principales cités de la Gaule, puis sa capitale, se trouva détachée du royaume de France et réunie à l’empire germanique ; son archevêque était prince temporel et souverain indépendant, un des sept électeurs reconnus par la bulle d’or. C’est une monotone histoire que celle de la lutte que soutinrent les bourgeois contre leurs archevêques pour conquérir et défendre leurs franchises municipales ; là comme partout ailleurs sur le continent, vers la fin du XVIe siècle, malgré tout le sang versé et toute l’énergie déployée dans ces longs et obscurs combats, la liberté municipale finit par succomber devant le pouvoir absolu.

Un des souvenirs les plus intéressans qui se rattachent à l’histoire des archevêques de Trèves est celui de la lutte que l’un d’entre eux, Richard de Greifenklau, soutint contre Franz de Sickingen, l’ami de Luther et d’Ulrich de Hutten et le dernier chevalier de l’Allemagne. C’est contre les murs de Trèves que vint échouer la fortune de ce brillant aventurier, en qui l’histoire a signalé de si étranges contrastes. Cet intrépide champion des droits surannés de la noblesse immédiate, cet infatigable batailleur qui ne voulait point renoncer au droit de guerre privée et qui se rattachait ainsi aux traditions du moyen âge, s’était fait en même temps le plus hardi champion des idées nouvelles en matière de religion[1]. Son rôle était trop complexe et trop contradictoire pour que ses entreprises fussent couronnées de succès ; il avait compté sur l’alliance des campagnes et des villes libres : bourgeois et paysans restèrent sourds à son appel. Après l’avoir forcé à lever le siège de Trèves, l’archevêque, aidé du comte palatin et de l’électeur de Hesse, le poursuivit jusque dans le château de Landstuhl. Franz ne se rendit qu’une fois blessé à mort, et sa fin héroïque attendrit ses ennemis agenouillés autour de sa couche funèbre.

Pendant les guerres du XVIIe siècle, Trèves, sans cesse prise,

  1. Sur ce noble et singulier personnage, on trouvera d’intéressans détails dans les Études sur les réformateurs du seizième siècle, de M. Chauffour-Kestner, t. Ier. Voyez l’étude consacrée à Ulrich de Hutten.