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Trèves est mentionnée parmi les villes qui, dans l’hiver de 355, auraient été forcées par les Francs et les Alamans. Il est difficile de préciser quelle fut l’étendue de ce désastre, bientôt réparé d’ailleurs par le courage et le génie de l’héroïque Julien. Le jeune césar s’arrêta quelque temps à Trèves, mais il préféra passer les hivers dans « sa chère Lutèce, » sur la rive gauche de la Seine, où il trouvait un climat plus doux. Après lui, Valentinien, quand il eut balayé les hordes qui avaient de nouveau envahi la Gaule après la mort de Julien, revint s’établir à Trèves, où résida aussi son fils et successeur Gratien, l’élève d’Ausone. Celui-ci, rhéteur et poète renommé, appelé de Bordeaux à Trèves par l’empereur, a chanté, dans un poème qui est une de ses moins mauvaises productions, les rives enchanteresses de la Moselle. On connaît son apostrophe à la Moselle : « Salut, fleuve qui arroses des campagnes dont on vante la fertilité et la belle culture, fleuve dont les bords sont ou plantés de vignes aux grappes parfumées, ou parés de fraîches et vertes prairies[1]. » Plus loin, il célèbre la limpidité des eaux de cette Moselle « qui n’a pas de secrets, secreti nihil amnis habens, » les images du ciel et de la terre qu’elle réfléchit dans son clair et mobile miroir, le gravier où les remous creusent de légers sillons, les grandes herbes qui se tendent sous l’effort du courant et qui livrent au flot leur longue et frémissante chevelure. Il peint ailleurs « les faîtes des villas qui s’élèvent sur les collines suspendues au-dessus de la rivière. » Comme je relisais ces vers en me promenant sur la grève, j’avais en face de moi la Maison-Blanche, charmante résidence d’été qui appartient au prince héréditaire de Hollande, gouverneur du Luxembourg. La gracieuse demeure couronne la falaise qui, de la rive gauche, regarde Trèves, ses clochers et ses ruines ; elle brille parmi les arbres, au sommet d’une côte où de place en place le grès affleure et fait saillie ; ces sombres rocs, ces larges taches d’un rouge foncé font ressortir la joyeuse verdure des gazons, des taillis et des vignobles qui tapissent les pentes. En bas coule paisiblement l’aimable rivière, qui laisse monter vers les habitans de la colline son vague et doux murmure. C’est ce qu’Ausone appelle si bien :

…… Amœna fluenta
Subterlabentis tacito rumore Mosellœ.

On trouve encore dans le poème d’Ausone deux longues descriptions, l’une consacrée aux différentes espèces de poissons que renferme

  1. Salve, amnis laudate agris, laudate colonis,
    Amnis odorifero juga vitea consite Baccho,
    Cosite gramineas amnis viridissime ripas.