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chargé d’administrer le diocèse des Gaules. Il y eut mieux : un des césars, Constance Chlore, y établit sa cour, et il fut imité plus tard par son fils Constantin, tant que celui-ci resta en Occident ; Maximien y avait déjà séjourné avant Constance Chlore. Trèves était devenue alors la cité la plus populeuse de la Gaule, sa vraie capitale. Constantin y éleva de somptueux édifices, que le rhéteur Eumène a célébrés en termes magnifiques et dont il subsiste des restes importans, un cirque, une basilique, un forum, un prétoire. À peine les arènes de Trèves étaient-elles construites, que le sang y coulait à flots ; soixante mille prisonniers francs, disent les historiens, y furent exposés par Constantin à la dent des bêtes ou forcés de s’égorger les uns les autres. À l’une des extrémités de l’amphithéâtre, on distingue parfaitement encore aujourd’hui le haut et spacieux canal voûté, bâti en gros blocs soigneusement appareillés, qui déversait dans un petit ruisseau ; affluent de la Moselle, les eaux troubles et rougies qui sortaient de cet abattoir, alors qu’au lendemain de pareilles boucheries on lavait les dalles sanglantes, et que l’on préparait l’arène pour des fêtes nouvelles, pour de nouveaux massacres.

Cette ville qui se passionnait si fort, comme nous l’apprend Salvien, pour les cruels spectacles de l’amphithéâtre, était pourtant déjà pleine de chrétiens. C’est à la légende qu’appartient la prédication de saint Euchaire, qui aurait été envoyé chez les Trévires par saint Pierre lui-même pour leur prêcher l’Évangile ; mais ce qui est certain, c’est qu’Agritius, évêque de Trèves, qui assista, en cette qualité, au concile d’Arles (314), avait déjà eu trois prédécesseurs. En 353, au moment où Constance convoque à Arles cet autre concile où il cherche à faire consacrer par le clergé occidental la doctrine d’Arius, le siège de Trèves est occupé par saint Paulin, que sa courageuse résistance aux caprices théologiques de l’empereur fait exiler en Orient, en même temps que saint Hilaire de Poitiers. Vers le même moment, et par suite des mêmes discussions et de la même tyrannie, le célèbre patriarche d’Alexandrie, Athanase, venait, pendant quelques années, habiter Trèves, où l’avait relégué un ordre impérial. Un peu plus tard, c’est saint Jérôme, que son père envoie à Trèves pour l’arracher aux séductions de Rome et pour le faire entrer dans la vie active en l’attachant au préfet du prétoire. Le jeune homme, emporté dès lors par une vocation impérieuse, employa tout le temps qu’il séjourna en Gaule à rechercher, pour les lire et les copier, de vieux livres de théologie[1].

  1. Voyez sur la jeunesse de saint Jérôme l’étude de M. Amédée Thierry, Revue du 15 novembre 1864.