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compte de tous les monumens de Thèbes ; mais, sans parler de quelques-uns de ceux de Thinis, un colossal ensemble nous reste encore à expliquer et à caser : c’est l’ensemble des pyramides et de Sakkara, l’ensemble de Memphis en un mot. Ces restes prodigieux qui s’étendent sur la rive gauche du Nil, à partir de Gizeh, seraient-ils de la période classique des Touthmès et des Ramsès, de la période des pasteurs, de la période des Osortasen et des Aménemha ? Une telle hypothèse serait absurde, puisque les monumens dont il s’agit portent des noms royaux étrangers à ces dynasties, que lesdites dynasties ont été universelles, et que les dynasties memphites à leur tour, comme en général les premières de Manéthon, ont régné sur toute l’Égypte. Une des dynasties memphites, par exemple la quatrième de Manéthon, fut une splendide époque analogue à celle des Osortasen, des Ramsès ; c’est le temps de Chéops, de Chéphren, des grandes pyramides. La sixième dynastie, celle d’Apapus, qui a son siège à Éléphantine, a laissé des monumens à Éléphantine, à Abydos, à Tanis. Force est donc de créer encore un « ancien empire, » renfermant les dix premières dynasties de Manéthon, s’étendant approximativement de l’an 5000 à l’an 3000 avant Jésus-Christ, ayant ses centres à Thinis, à Memphis, à Éléphantine, comprenant toute l’Égypte et développant une civilisation complète au milieu d’une sorte de vide de tout le reste de l’humanité. C’est l’Égypte des pyramides, cette Égypte que nous voyons respirer et vivre avec une vérité sans pareille dans ces tombeaux dits « tombeaux de l’ancien empire. » Les fouilles de M. Mariette ont prodigieusement élargi ce qu’on savait de cette époque. Grâce à lui, nous possédons un nombre énorme de sculptures, d’inscriptions, de statues, remontant à 4000 ou 4500 avant Jésus-Christ. Il faut, pour se bien figurer ceci, avoir vu Sakkara, le pied des pyramides et le musée de Boulaq. Je n’ai jamais éprouvé d’impression aussi forte, pas même dans la Haute-Égypte. Il s’agit d’un monde antérieur de 4000 ans à tout ce que nous connaissons, et se décelant lui-même à des signes d’une évidence absolue. Ailleurs hautement utiles et fructueuses, les fouilles de M. Mariette ont amené ici des résultats hors ligne. Suivez-moi pas à pas. Je veux vous faire comprendre combien ce point capital du monde renferme de trésors et de révélations.

Nous abordons au village de Bedreschin, sur la rive gauche du Nil, à 46 kilomètres environ au sud du Caire. Nous sommes ici probablement sur l’emplacement d’un des quais de Memphis ; mais tout a disparu. Des murs en briques crues encore assez bien conservées se voient çà et là ; seulement toute la pierre de taille a été enlevée pour bâtir le Caire. On se croirait à peine sur le site d’une ville antique