Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/668

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

type fortement accusé, au nez aquilin, aux gros yeux, à la mine patriarcale, venir avec leurs femmes, leurs enfans, leurs pauvres ustensiles de nomades, leurs instrumens de musique, demander au gouverneur égyptien des terres pour les mettre à l’abri de la famine. Voici sans doute les premiers venus pacifiques de la terrible invasion de races nouvelles qui changera, quelques siècles plus tard, la face de l’Asie occidentale et mettra l’Égypte elle-même en désarroi pour cinq cents ans. Ainsi, dès le troisième millénaire avant Jésus-Christ, on entend déjà dans l’histoire égyptienne l’écho des pas des autres grandes races ; mais désormais il faut dire adieu à tout synchronisme. C’est seule, et comme en une planète isolée, que l’Égypte va poursuivre l’énorme tronçon d’histoire qu’elle a encore derrière elle, et pour laquelle il faut de toute nécessité trouver du temps.

Nous avons presque atteint, en notre examen rétrograde, l’an 3000 avant Jésus-Christ avec les dynasties parfaitement historiques de la première époque thébaine. Je sais ce que ces chiffres énormes ont d’effrayant et les appréhensions naturelles qu’ils soulèvent. J’ai partagé ces appréhensions ; mais que faire contre des séries concordantes données à la fois par Manéthon, par Ératosthène, par les tables égyptiennes d’Abydos, de Thèbes, de Sakkara, par le papyrus de Turin ? Je voudrais que les incrédules vissent ce couloir du grand temple d’Abydos récemment découvert par M. Mariette. Il présente une nouvelle liste de rois analogue à celles que l’on connaissait déjà, mais cette fois admirablement conservée. Le monument est du temps de Séthi Ier (1200 ans avant Jésus-Christ). Le nombre des rois prédécesseurs qu’on a jugé à propos de rappeler est de soixante-seize ; la liste débute comme celle de Manéthon, comme celle du papyrus de Turin, par Ménès et Atothis. C’est donc un minimum de soixante-seize règnes qu’il faut placer avant Séthi, et certes ce minimum est bien inférieur à la réalité. Cette liste en effet, comme celle des soixante et un rois ancêtres auxquels Touthmès III (vers 1500) fait des offrandes dans le précieux monument que possède la Bibliothèque impériale, cette liste, dis-je, est un choix, non une suite complète. Cela est indubitable, puisque les monumens des diverses provinces de l’Égypte présentent, en dehors de ces listes, beaucoup de souverains qui n’y sont pas mentionnés.

Mais je vais beaucoup plus loin. Supposons que Manéthon et toutes les listes de rois nous manquent au-delà de l’an 8000, que nous soyons réduits aux monumens encore existans sur le sol : je dis que nous serions presque forcés d’admettre pour l’Égypte, avant ce terme reculé, environ 2000 ans d’histoire. Nous avons bien rendu