Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/666

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parties de l’Égypte, surtout dans la Thébaïde, de petites dynasties indigènes. Les pasteurs cependant, à cause de leur puissance, ayant fini par passer pour légitimes (à peu près comme la dynastie carlovingienne, bien que purement allemande, est adoptée par les historiens légitimistes dans la série des « rois de France »), Manéthon, suivant son principe, qu’à un moment donné il n’y a eu qu’une seule dynastie légitime, omet toutes les autres et ne parle que des pasteurs. M. Mariette a réuni d’autres exemples de ces éliminations[1] ; mais voici un fait bien plus grave, et qui, j’ose le dire, est à lui seul presque décisif.

Il est clair que le système des dynasties locales et simultanées est renversé par la base, si l’on trouve dans toutes les parties de l’Égypte des monumens des dynasties qu’on prétend avoir été locales. Or c’est ce qui a lieu. Dans la plupart des systèmes, la cinquième dynastie règne à l’Eléphantine pendant que la sixième règne à Memphis. Si cela était vrai, chaque dynastie aurait eu son territoire propre ; aucun monument de la cinquième dynastie ne devrait se trouver sur le territoire de la sixième, ni réciproquement. Or les fouilles de M. Mariette ont révélé des monumens de la cinquième dynastie à la fois à Éléphantine et à Sakkara, et des monumens de la sixième à la fois à Sakkara et à Éléphantine. Si l’on en croyait les partisans des dynasties simultanées, la quatorzième dynastie, originaire de Xoïs, aurait été contemporaine de la treizième, originaire de Thèbes. Or M. Mariette a trouvé des colosses de la treizième dynastie à Sân, à quelques kilomètres seulement de Xoïs, ce qui suppose notoirement que la dynastie thébaine qui les fit élever possédait la Basse-Égypte. M. Mariette pense que de nombreux faits, de ce genre démontreront un jour avec évidence que les quatorze premières dynasties de Manéthon représentent une suite chronologique aussi rigoureuse que les règnes de l’époque postérieure aux pasteurs.

Est-ce à dire que le tissu de l’histoire égyptienne soit pour cette antique période aussi solide que pour les temps qui suivent ? Non certes. Il y a quatre dynasties dont il n’y a pas de monumens, la septième, la huitième, la neuvième et la dixième. Les deux premières ont été de courte durée ; quant à la neuvième et à la dixième, elles ont régné à Héracléopolis (Ahnas), où l’on n’a jamais fait de fouilles. M. Mariette espère que des recherches en cet endroit lui rendront de précieux débris. Qu’obtient-on d’ailleurs par ces éliminations qui ont au moins l’inconvénient d’être arbitraires ? Des réductions relativement insignifiantes. M. Brugsch réduit

  1. Aperçu de l’histoire d’Égypte, Alexandrie 1864, p. 73.