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contemporains de l’art classique. Pour bien étudier ses œuvres, il convient de les diviser en deux catégories : d’un côté tout ce qu’il a produit dans le domaine de la fantaisie ou de la satire ; de l’autre, ses grandes compositions historiques.

Les compositions légères, gracieuses ou satiriques de Kaulbach mériteraient à elles seules un examen approfondi. Doué d’une grande finesse d’observation, il s’attache à découvrir tout ce qu’il y a de piquant dans l’expression de certains mouvemens de l’âme, toutes les charmantes surprises que peut procurer la nature, ou encore ces traits qui révèlent des caractères et où se trahissent les travers de l’esprit et les mesquineries du cœur ; il met tout cela en relief dans les situations les plus ingénieuses et les plus imprévues, et exerce sa sagacité sur les matières les plus variées. Tantôt il nous fait sourire par des scènes touchantes, pleines de naïveté ou de sérénité, comme dans ces œuvres où il a illustré Goethe, Anacréon et Wieland ; tantôt il prend en main le fouet de la satire, comme dans ses dessins pour le Reineke Fuchs ; tantôt enfin il entreprend d’exciter le rire ; mais ce n’est point par des caricatures qu’il procède ; dans ses créations comiques, dans sa Maison de fous par exemple, il se trouve toujours un élément sérieux, et le rire qu’il provoque en nous, c’est ce rire de l’humour qui n’est pas le rire de la gaîté.

La plupart de ces compositions ne sont pas des peintures, mais de simples dessins, et en réalité des traits piquans ou gracieux, des saillies spirituelles ou risibles, n’ont pas besoin du secours de la couleur. C’est surtout quand il s’agit, comme dans les tableaux des Flamands et des Hollandais, de plaire par la richesse et la variété des détails, par le jeu de la lumière, des ombres et des teintes diverses, que la couleur contribue à l’effet général pour une très grande part. Quand c’est le sentiment du beau que l’artiste a pour but d’éveiller, la couleur est encore utile, et prête à son œuvre un charme de plus : aussi voit-on l’école italienne la cultiver de son côté avec le plus grand soin. Cependant il y a cette différence, que chez elle ce n’est plus comme chez les peintres du nord par l’opposition, mais par l’harmonie des teintes que le coloris produit son effet. Quant aux genres qui s’adressent plutôt à l’entendement qu’à l’imagination, le coloris devient chose à peu près secondaire. Overbeck notamment, qui vise surtout au sublime et au pathétique, s’en était presque trouvé gêné, et il prit le plus grand soin de ne pas lui donner trop d’éclat. En détournant sur des agrémens extérieurs une partie de l’attention, il aurait craint d’affaiblir l’impression mystique de ses figures ; ses teintes sont douces comme les âmes qu’il met en scène, et se fondent si harmonieusement qu’elles semblent vouloir passer inaperçues. Le coloris ne redevient utile dans les œuvres de ce genre que si l’artiste se propose,