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à la méditation et à la rêverie. Le sentiment du sublime a toujours dominé le goût de l’Allemagne, et c’est par là qu’Overbeck est un peintre vraiment national. Son plus grand tort est d’avoir voulu proscrire tous ceux qui n’assignaient point à l’art la même fin que lui : de peintre se faisant critique, il nous offre, dans son célèbre tableau du Triomphe de la Religion dans les Arts, cette profession de foi exclusive que « l’art est d’origine divine, et que l’art mis au service de la religion catholique est le seul art digne de ce nom. » Quand Overbeck condamne ainsi toutes ces écoles qui, sans préoccupation religieuse, n’ont poursuivi qu’un but esthétique, qui ont aimé et recherché la beauté pour elle-même, et n’ont pas cru devoir s’astreindre à puiser leurs matériaux dans les annales de l’église romaine, ce n’est plus un homme de goût qui parle, c’est un théologien intolérant. Nous ne le blâmons pas d’avoir consacré sa vie à traduire par le pinceau les élans de la piété la plus austère : l’ascétisme, s’il ne doit pas être pris pour règle, peut du moins être accepté comme un fait, et à ce titre il a le droit d’occuper une place dans les créations de l’art. Le peintre est libre de choisir le thème qui lui convient ; mais cette liberté qu’il revendique pour lui-même, il doit aussi l’accorder aux autres.

Les qualités du maître sont devenues d’ailleurs des défauts chez ses imitateurs. Aucun d’eux n’était doué de cette foi profonde qui seule, dans la peinture religieuse, peut inspirer des chefs-d’œuvre. Au lieu de peindre la candeur et la piété, ils n’ont à offrir que des figures efféminées et sans caractère ; ce n’est plus l’austérité qu’ils expriment, c’est la mollesse et l’apathie. Les Schnorr, les Philippe Veit, les Fuerich, les Schraudolph, les Steinle, n’ont produit que des œuvres fades où l’insignifiance de la conception n’est guère propre à dissimuler la pâleur du coloris et le trait languissant du dessin. C’est cependant à un de ces disciples d’Overbeck, Shadow, qu’appartient la gloire d’avoir fondé l’école de Düsseldorf. L’académie établie dans cette ville en 1767 était restée, jusque vers 1819, stérile et obscure comme tant d’académies de province. Cornélius, qui en fut nommé directeur à cette époque, ne fit qu’y passer et ne paraît pas y avoir exercé d’influence durable. Shadow fut désigné pour le remplacer. Il avait déjà professé à Berlin, et il amena dans la ville rhénane ses meilleurs disciples. Peintre médiocre, mais doué pour l’enseignement d’une grande habileté, il réussit à répandre dans l’école un esprit de vigoureuse émulation. On y vit bientôt surgir des talens distingués. Hildebrandt s’est rendu célèbre par son tableau des Enfans d’Edouard, moins dramatique assurément que celui de Paul Delaroche, mais supérieur peut-être par l’expression et la disposition harmonieuse des figures. Il faut citer aussi Bendemann, dont les deux tableaux de la Captivité de Babylone et de Jérémie