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nombre des cardinaux. L’empereur d’Allemagne offrait le monastère des bénédictins, dans la petite île de Saint-George à Venise, pour recevoir le sacré-collège. Plus que toute autre, la ville paisible des lagunes parut en ces temps agités un lieu sûr et convenable. Aussitôt que les membres de l’auguste assemblée furent réunis en nombre suffisant, ils choisirent pour secrétaire du conclave le prélat Hercule Consalvi. C’est lui qui fut chargé, en cette qualité, des communications à faire aux souverains étrangers. Le 30 novembre 1799, après avoir assisté, suivant l’usage, à la messe du Saint-Esprit, trente-quatre cardinaux entrèrent processionnellement dans le conclave, où ils devaient rester enfermés jusqu’à l’élection du nouveau pape. Les opérations du sacré-collège et les négociations relatives au choix à faire furent toutefois ajournées jusqu’à l’arrivée d’un personnage attendu avec grande impatience, le cardinal Herzan. Une telle marque d’égards était bien due à l’ambassadeur de l’empereur François, car ce monarque possédait non-seulement les trois légations, mais tout le reste des états pontificaux jusqu’aux portes de Rome, tandis que la capitale même du saint-siège et les contrées avoisinant Terracine étaient, depuis la retraite des Français, occupées par les Napolitains.

Le conclave était présidé par le doyen du sacré-collège, le cardinal Albani, vieillard aimable et lettré, dont l’influence ne paraît pas d’ailleurs avoir, été jamais bien grande sur ses collègues. Le cardinal Braschi, neveu du défunt pape, aurait pu aspirer à devenir, à son défaut, le chef des créatures de son oncle, qui formaient la majorité des membres du sacré-collège ; mais il était loin d’y prétendre. Sa probité, la droiture de son caractère, et peut-être, ajoute Consalvi, un certain manque de capacité, l’empêchèrent de le désirer. Quoi qu’il en soit, les premiers jours ne virent point se former aucune de ces factions qui plus tard devaient diviser les esprits. Chaque cardinal, agissant par lui-même, suivant sa conscience, son inclination et son jugement, ne songea d’abord qu’à choisir le plus digne, et ce fut ainsi que sans aucune sorte de préparation ou de manèges secrets, par la seule union des sentimens, dix-huit voix se portèrent sur la personne du cardinal Bellisomi. Comme il s’agissait d’un homme estimé, qui n’avait point d’ennemis, personne ne douta dans le sacré-collège que les trois quarts des voix, chiffre nécessaire pour la nomination d’un pape, ne lui fussent très prochainement acquis. On parlait même d’acclamer Bellisomi ; le conclave, à peine ouvert, semblait donc déjà toucher à sa fin, lorsque éclata tout à coup l’incident le plus inattendu.

Bellisomi était né à Pavie et par conséquent sujet de l’empereur. Cette circonstance en d’autres temps lui aurait nui, car les