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ils ne se trouvent qu’épars, on en compte 280,000 sur une surface totale de 61,270 hectares.

L’olivier croît lentement, mais des générations passent sans qu’il meure ; le Kabyle le soigne comme son trésor, et ne néglige jamais de greffer les sauvageons. C’est seulement une année sur deux que la récolte des olives est abondante : la cueillette s’en fait tout l’hiver ; on les conserve dans des enclos de branches, et la préparation de l’huile s’opère en plein air, au printemps. Exposées au soleil pendant plusieurs jours sur le toit des maisons ou tout autre terrain sec, les olives sont amenées à un certain état de fermentation, puis mises dans une auge pour être piétinées par les femmes ou foulées sous de grosses pierres. Dégageant alors le noyau, on porte la pâte qui résulte du foulage dans des sortes d’entonnoirs percés de trous au travers desquels l’huile découle peu à peu ; le résidu, traité par l’eau bouillante, laisse encore surnager de l’huile que les femmes enlèvent avec des cuillers de bois. Voilà le procédé primitif et grossier ; les Kabyles n’ont pas attendu la conquête française pour le perfectionner et se procurer des moulins composés d’une meule verticale qui triture l’olive et d’un pressoir à vis de bois qui fait dégorger la pâte. À vrai dire, les huiles kabyles ne se dépouillent guère par ce système plus que par l’autre de leur très forte odeur, car cette odeur tient à la fermentation première de l’olive : si imparfaites qu’elles soient, elles n’en ont pas moins en Afrique une réputation considérable. Les outres d’huile du Djurdjura n’arrivent pas seulement à Alger et Constantine ; elles pénètrent dans le Soudan : portées par les Kabyles à Bou-Saâda, par les Ouled-Naïl de Bou-Saâda à Mettili, elles vont avec les Chambas dans le Touât, et avec les Thouaregs jusqu’à Tombouctou.

Pour être les plus précieux représentans de la végétation ligneuse dans le Djurdjura, le figuier et l’olivier n’en sont pas les seuls. Sur les pentes et les crêtes kabyles, aux espèces exotiques se mêlent nos espèces européennes : au grenadier et au cactus raquette[1], le noyer, la vigne et les arbres fruitiers de France ; aux caroubier, tuya, micocoulier, laurier-rose, chêne à glands doux et chêne-liège, le pin, le hêtre, l’orme, le peuplier. Le frêne y est de superbe apparence ; le chêne-zen, que nous admirions récemment encore dans la vaste forêt d’Akfadou[2], atteint jusqu’à trente mètres de hauteur ; enfin sur les cimes inhabitables se dresse le cèdre au milieu des rochers.

  1. Appelé vulgairement figuier de Barbarie.
  2. Cette forêt se trouve sur les sommets des Aït-Idjer ; on la traverse pour passer de la vallée du Sébaou dans celle de l’Oued-Sahel, en se rendant à Bougie. La crête d’Akfadou est bien nommée ; Akfadou veut dire en kabyle crête du vent.