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par les confédérés. Les débris des armées confédérées se replient, se rejoignent à marches forcées comme pour aller se concentrer sous la main de Lee. Peut-être Lee pourra-t-il vendre chèrement encore la dernière victoire, peut-être pourra-t-il couronner par le succès d’une journée la fin de la lutte ; mais, quoi qu’il arrive, il est évident qu’il ne peut plus prolonger la guerre. On prétend que les confédérés, en se retirant dans l’intérieur, y seront formidables, et que la perte de la mer est pour eux un bénéfice. Ce paradoxe ne saurait être pris au sérieux. C’est par la mer que les confédérés recevaient leur plus utile et plus efficace matériel de guerre, et l’on ne comprend pas ce qu’ils peuvent gagner à perdre l’issue par laquelle ils s’approvisionnaient. Il est manifeste aussi que les fédéraux, en traversant leurs territoires intérieurs, et en occupant leurs citadelles maritimes, ont considérablement diminué la puissance de recrutement des armées du sud. Les discours du président Davis, les proclamations des gouverneurs des états du sud, sont remplis d’appels inutiles adressés aux soldats absens sans congé. Un de ces gouverneurs, celui de la Caroline du nord, prétend que l’armée serait doublée, si les absens rentraient dans leurs corps. Les divisions d’opinion, la désaffection pour le gouvernement, règnent dans le sud ; les proclamations officielles s’en plaignent aussi. Or l’on n’a jamais vu, que nous sachions, la concorde se resserrer et l’élan croître au sein d’une faction dans les guerres civiles, à mesure que les chances de succès diminuaient chaque jour. Quels que soient les incidens qui puissent l’accélérer ou le retarder, le résultat final est désormais certain. L’Union américaine sera bientôt rétablie par l’ascendant du nord.

L’évacuation et la chute de Charleston auront été l’un des derniers événemens de la lutte, et au point de vue moral en sont presque le dénoûment dramatique. C’est de Charleston qu’était parti le signal de la guerre civile ; c’est Charleston qui a voulu la séparation, et qui, lorsque l’intéressante et riche Virginie hésitait encore, attaqua sans provocation la citadelle fédérale, le fort Sumter. En ce moment-là, Charleston n’avait aucun grief légitime, aucun prétexte légal pour commencer les hostilités. M. Lincoln avait été simplement élu président ; il n’avait prononcé aucune parole, accompli aucun acte qui fussent de nature à porter atteinte aux droits des états. Avec la patience conseillée par la simple prudence, par le patriotisme le plus loyal, on pouvait attendre et rechercher encore dans une négociation la solution des difficultés pendantes. La vanité, la violence, l’impétuosité des Charlestoniens ne voulurent point laisser à la paix et à l’Union cette dernière chance. Les exagérés voulurent tout compromettre et tout engager en fermant la voie aux tentatives de réconciliation que les sages eussent encore voulu essayer ; ils attaquèrent le fort Sumter et contraignirent la petite garnison à amener le drapeau fédéral. Qu’est devenu, quatre années après, Charleston ? Une ville en ruines, que ses habitans n’ont plus voulu défendre, où la population laissait éclater au dernier moment des