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étaient fondées. Il ne faut pas perdre de vue l’importance qu’avait l’église en France sous l’ancien régime. Le catholicisme était alors la religion de l’état : cette union du spirituel et du temporel que le Syllabus invoque à sa guise existait alors en France d’une certaine façon. Le pouvoir séculier prêtait alors son concours au dogme avec une rigueur qui a été parfois bien cruelle. Les parlemens eux-mêmes appliquaient des pénalités sévères aux transgressions de la loi religieuse et ecclésiastique. Le clergé, à cette époque, avait dans une grande mesure l’indépendance matérielle ; il était propriétaire et ne concourait aux charges de l’état qu’en se taxant lui-même et en conservant fièrement à ses contributions le titre de don gratuit. En vérité, il n’est pas tout à fait juste de présenter au clergé le régime du concordat et des articles organiques comme la continuation pure et simple de la constitution gallicane. Napoléon, en dépit de ses efforts rétrospectifs, n’a point pu réparer la grande et irrévocable rupture accomplie par la révolution entre l’église et l’état. Il n’a pas pu rendre à l’église le monopole d’une religion d’état que possédaient nos anciens gallicans ; il n’a pu rendre à l’église ses biens, il a remplacé un clergé propriétaire par un clergé salarié. Qu’on ne le méconnaisse donc point, si l’on veut être exact, juste, et faire avancer vers une conclusion logique les discussions actuelles : le gallicanisme n’est plus un terrain suffisant pour établir les rapports de l’église et de l’état, car c’est un terrain que personne, pas plus l’état que l’église, n’a sous les pieds.

M. Rouland a tracé un tableau très vrai et très saisissant des progrès rapides que l’ultramontanisme a depuis quelques années accomplis chez nous. Ces progrès sont un fait remarquable ; mais, au lieu de s’indigner contre ce fait, ne serait-il pas plus sage d’en étudier les causes profondes ? Un légiste français qui s’étonne qu’il n’y ait plus de gallicans dans le clergé français ne devrait-il pas réfléchir que, pour être une chose sérieuse et forte, il ne suffit pas que le gallicanisme soit recommandé par l’autorité administrative, qu’il faudrait au contraire que, comme autrefois, il sortît spontanément et naturellement des entrailles du clergé français ? S’il peut y avoir chez nous un gallicanisme, c’est évidemment au clergé de France de le créer, de le constituer, de le maintenir. Chercher à constituer le gallicanisme lorsque l’église vous échappe, lorsqu’elle va d’un élan irrésistible à l’ultramontanisme, comme vous le reconnaissez et le déplorez vous-même, est la plus chimérique des entreprises. Essayons donc de comprendre de bonne foi les causes du mouvement ultramontain. La cause essentielle est dans l’état incomplet et discordant de nos propres institutions politiques. Ce que le clergé de France cherche aujourd’hui dans l’ultramontanisme, c’est au fond une issue vers l’indépendance de doctrine et de discipline dans ses rapports avec l’état. Un culte religieux lié par des dispositions concordataires et législatives spéciales est gêné, se sent toujours à l’étroit et tend vers ce qui le dégage. Or vous, l’état, vous êtes pour l’é-