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philosophie, le scepticisme scientifique et le scepticisme théologique.

Les faces nouvelles que tend à prendre parmi nous l’éternel problème de la certitude n’avaient sans doute point échappé au pénétrant et généreux esprit, l’une des gloires du spiritualisme français, qui s’était proposé de consacrer toutes les forces de sa maturité à une histoire du scepticisme, et qui a été si tristement interrompu par la mort dans cette œuvre à peine commencée : je veux parler de M. Emile Saisset. De cette histoire, qui eût été sans doute l’un des plus curieux livres de notre temps, grâce à la beauté du sujet et à l’éminent talent de l’auteur, il ne reste aujourd’hui que des fragmens dont les uns déjà publiés, les autres inédits, viennent d’être réunis avec un soin religieux par son frère, M. Amédée Saisset, lui-même excellent professeur de philosophie de l’Université[1]. Parmi les divers morceaux dont se compose ce volume, on remarquera l’étude sur Enésidème, le plus grand sceptique de l’antiquité. Ce travail très étendu, l’une des thèses les plus remarquables de la faculté des lettres de Paris, l’un des meilleurs morceaux philosophiques de l’auteur, était depuis longtemps fort estimé par les bons juges, et il résume à lui seul en quelque sorte toute l’histoire du scepticisme ancien ; mais il était devenu fort rare, comme les travaux de ce genre : les amis les plus intimes de l’auteur ne l’avaient même pas. C’est donc rendre un vrai service à la science que de le publier de nouveau. On remarquera encore quelques écrits de philosophie théorique, tous relatifs à la question du scepticisme, et où se rencontrent beaucoup de vues personnelles et originales ; mais ce qui donne à ce nouveau volume son plus grand prix, ce qui nous a paru de nature à provoquer le plus de réflexions intéressantes, c’est un travail entièrement inédit sur le scepticisme de Pascal, où l’auteur a touché, avec autant de fine réserve que de hardiesse, aux points les plus délicats des rapports de la religion et de la philosophie. Une étude sur Kant, publiée autrefois dans la Revue, complète ces travaux sur le scepticisme des temps modernes. Par ces deux morceaux, M. Saisset atteignait dans ses racines les plus profondes le scepticisme contemporain.

Lui-même indiquait ce but et cette occasion à ses recherches dans la leçon éloquente et spirituelle par laquelle il ouvrit, au mois de décembre 1861, son cours sur l’histoire du scepticisme. Voici en

  1. Indépendamment des volumes sur le Scepticisme (chez Didier), M. Amédée Saisset a encore publié deux volumes de son frère dans la Bibliothèque de Philosophie contemporaine, chez Germer Baillière, le premier intitulé l’Ame et la Vie, le second Fragmens et Discours. Ces deux volumes achèvent et complètent de la manière la plus intéressante l’œuvre philosophique de M. Emile Saisset.