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les prêtres condamnés pour crimes ou délits, etc. Partout la maxime qui veut que l’église soit un corps armé de privilèges et de pouvoirs pour défendre le « bon principe » par la force séculière est soigneusement posée ; la « raison des temps » seule en limite l’application. Que sont devenues ces créations d’une réaction passagère ? Partout inexécutés, ou suspendus, ou menacés d’une prochaine révocation, les concordats ne sont déjà plus qu’une cause d’irritation profonde pour les uns, d’inquiétude et d’embarras pour les autres ; la même « raison des temps » qui les avait mutilés à leur naissance les démolit de fait. Comme expression d’un système, ils n’ont servi, avec les autres manifestations du même esprit, qu’à exaspérer les oppositions et à donner plus d’élan à la sape qui bat les fondemens de l’église. La tendance qu’ils réalisent a jeté la discorde dans les rangs mêmes des croyans fidèles. Les seuls qui, dans les pays libres, eussent quelque prise sur le siècle en lui offrant la transaction de la liberté ne sont plus qu’une troupe enfoncée et battue entre deux feux, perdue dans la contradiction de ses principes, et forcée de se réfugier dans l’ambiguïté des interprétations ou dans de trop adroites réticences. Voilà le succès des actes fondés sur les principes de l’ancien régime ecclésiastique.

Parallèlement à cette série de conventions avec les états catholiques, Pie IX a exercé dans les états protestans d’autres pouvoirs, ceux de la liberté. En dépit de l’église établie d’Angleterre et de toutes les sectes dissidentes, malgré les clameurs et les démonstrations populaires, les sermons dans les temples et les discours au parlement, malgré la loi même, impuissante devant la liberté religieuse, il a tracé sur le sol anglais des circonscriptions diocésaines en y affectant des titres. On a vu, après trois siècles, et pour la première fois depuis Wolsey, un cardinal anglais vainqueur, de par la liberté de conscience, de son gouvernement et de son pays même s’y montrer partout et représenter à Rome le royaume d’Henri VIII. Il y a peu de jours, sa dépouille mortelle, que la populace, au siècle dernier, eût jetée au vent, traversait paisiblement Londres, au milieu d’une foule immense et respectueuse, dans l’appareil funèbre qui exprimait sa dignité. Ainsi l’Angleterre, enchaînée par ses propres principes, reconnaît l’impossibilité de ressusciter chez elle, même contre un adversaire intolérant, l’intolérance d’un autre âge, et si, en ce moment même, le vieux protestantisme exclusif demande encore au parlement la répression du papisme, il ne l’obtiendra pas., La Hollande aussi, forteresse autrefois de l’âpre et ombrageux calvinisme, concéda, sous un ministère libéral, au principe de la liberté, la création de cinq sièges épiscopaux catholiques.