Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/463

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et à qui par conséquent on ne retranchait rien, ne se continrent plus. « Cette irritation, dit Consalvi, devait plus tard paralyser, le régime qu’on inaugurait. Ils en devinrent les ennemis les plus acharnés et cherchaient constamment à l’ébranler. » C’est ainsi que commençait cette série d’efforts toujours contrariés, toujours interrompus par des clameurs bruyantes ou par des manœuvres occultes, qui conduisirent le gouvernement romain jusqu’à sa nouvelle chute de 1848.

Ce premier et infructueux essai de réforme administrative fut suivi d’une autre et grande tentative de l’ordre économique, non moins laborieuse, encore plus entravée, mais qui, grâce à l’appui du pape, réussit mieux.

Depuis les derniers temps de la république romaine ; l’Italie centrale n’a cessé d’être le théâtre d’une sorte de guerre permanente entre l’administration et la propriété rurale. Les distributions de blé attiraient et aggloméraient dans la ville une plèbe nombreuse enlevée aux campagnes, où les bras manquèrent au travail, et déjà du temps de Caton l’ancien la mise du sol en pâturages, même mauvais, malè pascere, constituait l’exploitation la plus productive. Ensuite d’immenses fortunes, grossies par le pillage du monde, couvrirent le pays de villas et de latifundia qui le dépeuplèrent de cultivateurs libres. Enfin la navigation, amenant à bon marché les blés de Sicile, d’Afrique et de Sardaigne, fit aux derniers propriétaires cultivateurs une concurrence désastreuse. Cette guerre économique entre l’administration, qui nourrissait une populace oisive, et la propriété rurale s’est prolongée à travers le moyen âge jusqu’à nos jours. Les papes, revenus d’Avignon, essayèrent bien d’y remédier ; mais la science de ces choses n’existait pas encore : de bonnes mesures étaient neutralisées par de mauvais expédiens, chaque changement de règne changeait les règles, tantôt des encouragemens artificiels, tantôt des restrictions nuisibles perpétuaient la ruine. Pie VI eut la pensée de rendre le commerce libre, mais en même temps il réglementait le travail, et l’idée juste se gâtait au contact de l’idée fausse. Ce fut Consalvi qui eut l’honneur de porter le premier coup décisif et de trancher le principal nœud de toutes ces erreurs ; il fit cesser la lutte séculaire entre l’administration urbaine et la propriété agricole, en abolissant le monopole de l’une et en rendant à l’autre le droit de travailler et de vendre à sa guise.

Ce monopole, bien décrit par le comte de Tournon dans ses Études statistiques sur Rome, consistait en ceci : l’administration de l’annone, dirigée par le cardinal camerlingue, pouvait seule acheter certaines denrées de première nécessité, les grains, l’huile, le bétail, au prix qu’elle fixait elle-même, pour les revendre au peuple