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comme un nouveau Monk, par les autres comme le fondateur d’une république régulière. Irait-il jusqu’à relever l’ancienne religion proscrite ? Là était pour le conclave l’intérêt spirituel.

Lequel de ces deux intérêts pèsera le plus dans la balance du sacré-collège ? Habitués, que nous sommes, par nos libres études et nos discussions publiques, à tenir surtout compte de la conscience du genre humain et à placer les choses morales au-dessus de toutes les autres, nous croirions volontiers que l’hésitation n’était pas possible. L’histoire même, jugeant du vrai par le vraisemblable, nous avait jusqu’à présent raconté que cette considération de l’état religieux de la France s’était du moins produite vers la fin du conclave. On s’était souvenu, disait-elle, de certains mots par lesquels le général Bonaparte s’était autrefois discrètement entr’ouvert, lorsqu’il avait dit par exemple, après l’armistice de Bologne, au cardinal Mattei : « Que l’on traite avec moi ; je suis le meilleur ami de Rome, » et lorsqu’il avait plus tard, avec quelque affectation, loué l’évêque d’Imola de n’avoir pas fui devant l’armée française. Ce même homme, qui serrait maintenant dans sa main nerveuse les rênes de tous les pouvoirs, se révélait tout à coup aussi grand dans la politique que sur les champs de bataille. N’allait-il pas d’un coup reconquérir l’Italie et d’un geste, redresser le siège de saint Pierre ? Consalvi, secrétaire du conclave, écoutés de tous, avait, disait toujours l’histoire, déployé cette perspective pour déterminer Chiaramonti à accepter la candidature ; puis il lui avait amené le renfort du cardinal Maury et de son groupe. C’eût été certes un grand relief pour le conclave qu’un tel dénouement. Malheureusement cette histoire n’était qu’une légende, et c’est Consalvi lui-même qui vient de l’effacer. Il ne fut dit mot de la question française, ni des chances de rétablir en France le culte catholique. Cet intérêt spirituel, qui touchait le monde entier, ne brilla au conclave que par son absence. Recouvrer les trois légations, tel fut le pivot sur lequel roulèrent toutes les intrigues, autour duquel manœuvrèrent tous les chefs de factions. Mattei ne fut repoussé que comme candidat autrichien et signataire de Tolentino. Chiaramonti ne fut élu que de guerre lasse, et parce qu’il ne donnait aucune prise à l’Autriche et ne céderait pas les légations ! . Ce ne fut pas même, comme on l’a cru jusqu’ici, Consalvi qui eut l’idée de le proposer ; ce fut un Français, Maury. Ce fougueuse et mobile personnage, certainement attentif à ce qui se passait dans son pays, pensa-t-il au nouveau Monk espéré des royalistes ? Eut-il dès lors un moment la tentation de ce qu’il fit plus tard ? On n’en sait rien ; mais on sait par le récit du secrétaire d’état, qui savait tout, que les sollicitudes des cardinaux ne se tournèrent pas un instant de ce côté ; et que dans