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il la trouve dans la division de l’Europe, partagée en un grand nombre d’états ennemis, et il se peut en effet que les papes sujets de l’un d’eux, eussent été suspects à tous les autres, et n’eussent pas exercé leur ministère avec la liberté et l’impartialité désirables ; cependant cette explication de Bossuet n’est bonne qu’à partir du démembrement de d’empire romain. Avant ce démembrement, « les papes n’avaient-ils pas pendant huit siècles gouverné l’église, et n’en avaient-ils pas reculé les bornes jusqu’aux limites, du monde connu ? » C’est qu’alors, l’empire romain étant un et presque universel, ces jalousies, ces rivalités entre états chrétiens n’existaient pas. Or de nos jours, sous la main de Napoléon, la même situation semblait se reproduire. La Finance agrandie jusqu’au Rhin, des rois vassaux, et grands dignitaires de l’empire le reste subjugué par crainte, ou entraîné par influence, tout cela ; semblait reconstruire l’ancienne unité politique de l’Europe ; et Pacca croyait entrevoir dans ces vastes changemens, dont l’abolition du temporel de l’église n’était qu’un épisode, un secret conseil de la Providence, qui voulait que « les papes pussent une seconde fois, dit-il, quoique sujets, gouverner sans de graves inconvéniens l’église universelle. » Rêve sans doute que- et empire européen ! mais transposez la pensée de Pacca dans la réalité présente, et elle devient parfaitement vraie. Il existe de nos jours, mais sous une autre forme, un empire plus universel que n’aurait pu jamais être celui de Napoléon, et sous lequel les papes peuvent, s’ils le veulent, correspondre avec tout l’univers, à travers toutes les, frontières, à travers tous les articles organiques dressés pour arrêter leurs bulles : il s’appelle l’opinion. Son concordat est tout fait : il offre à qui le reconnaît la liberté, et à qui lui apporte la raison et la science l’autorité.

Ce n’est pas tout. Jusqu’ici, on l’a pu voir, Pacca se résigne, en vue de compensations, à la ruine de son gouvernement ; bientôt il va plus loin : il y trouve, non plus seulement des compensations, mais des mérites positifs et intrinsèques. Que d’abus supprimés ! que de forces perdues dans la politique qui seront rendues à la religion ! Là-dessus, il est vrai, il glisse rapidement, comme sur des matières brûlantes, mais pressez ses paroles, et vous en verrez sortir, un jugement des plus sévères sur les abus inhérens et incorrigibles du pouvoir temporel. « Les souverains pontifes, di-il, délivrés de ce lourd fardeau, consacreraient désormais tous leurs soins au bien spirituel de leurs fidèles ; l’église, privée de l’éclat des richesses et des honneurs, ne venait plus entrer dans son clergé que ceux qui aspirent au bien, qui bonum opus desiderant ; les papes ne consulteraient plus la naissance, les recommandations dans le choix de leurs conseillers, la foule peu édifiante des prélats fonctionnaires,