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perfectionne, éclairée par la raison et achevée par l’Évangile, soit le seul fondement de notre démocratie ! » Ayons les vertus des anciennes républiques, surtout celles des Romains nos ancêtres, mais épurées par le christianisme. Les vertus morales ne sont que l’ordre dans l’amour (non sono poi altro che l’ordine nell’ amore) ; elles nous formeront à la vraie et droite démocratie, qui ne s’occupe que de la félicité commune. Ne rêvons point l’égalité absolue des forces, des intelligences, des mérites, des propriétés ; ce sont là des chimères qui ne se réaliseront jamais : légalité monstrueuse, purement arithmétique, qui détruirait à la fois l’ordre naturel et l’ordre moral. Qu’est-ce donc que la vraie égalité ? « Entendue dans son droit sens, dit-il, c’est celle qui se fonde sur l’harmonie, lorsque chacun exerce dans la société une influence proportionnée à ses facultés matérielles et morales, et y puise ce qui peut contribuer a son bien-être (s’armomzza quando ognuno, a misura delle sue forze, fisiche e morali, influisce nella società, quando dalla società riceve cib che gli si conviene pel suo ben essere). »

On sent bien, ce nous semble, rien qu’à lire cette définition à la fois si élevée et si pratique, que Chiaramonfci, dans cet unique essai de sa plume, (résumait des méditations antérieures, et ne faisait nullement, comme le suppose son superficiel historien, un écrit de pure circonstance, destiné à calmer quelques paysans ameutés qui n’y auraient d’ailleurs rien compris. Sa conclusion est qu’il faut considérer du haut de la pensée religieuse les événemens accomplis, accepter la nouvelle situation faite à l’église, et dont l’église peut très bien s’accommoder« « Humiliez-vous avec moi, frères chéris ; baissez vos fronts devant les impénétrables desseins de la Providence divine. Que la religion catholique soit toujours le plus précieux objet de votre amour ; mais ne croyez pas qu’elle s’oppose à la forme démocratique du gouvernement. » Vous pouvez, en cet état, rester unis à votre Dieu ; vous pouvez, par vos vertus, « contribuer à la gloire de la république et des pouvoirs qu’elle a établis… Oui, mes chers frères., soyez bons chrétiens., TOUS serez excellens républicains (siate buoni cristiani, et sarete ottimi democratici). »

Ces idées ne doivent point assurément être jugées au point de vue politique. Un peuple me passe point si aisément d’un régime monarchique à celui de la démocratie : les exhortations à la vertu n’y sauraient suffire ; mais ce qui, de la part de l’homme d’état, ne serait que vertueuse illusion, devient autre chose dans la bouche de l’évêque. Que veut ici l’évêque ? Dégager la religion des troubles de la terre, ne pas laisser croire que, parce qu’une société se transforme, Dieu pour cela s’en absente, empêcher que le faux zèle ne