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résultant de la neige fondue : la température de l’air, qui était à 8 degrés au-dessous de zéro, et la brise, qui refroidissait notre vase en fer-blanc, empêchaient le liquide d’arriver à la température de l’ébullition. Bravais prit un parti héroïque : versant l’alcool sur la lampe allumée, il produisit une flamme passagère, mais assez forte pour amener l’eau à bouillir. Le thermomètre marqua 84°,40. La colonne barométrique, mesure de la pression atmosphérique, avait au même instant une longueur de 423,mm74.

Le physicien, étudiant dans son cabinet les lois qui régissent les forces de la nature, réalise avec des appareils compliqués les conditions nécessaires pour mettre ces lois en relief ; mais on ne peut les regarder comme définitivement acquises à la science que du jour où l’exactitude en a été vérifiée dans la nature en dehors des conditions nécessairement artificielles du laboratoire. La tension ou force élastique des vapeurs est dans ce cas ; on l’a étudiée en faisant varier la pression sous laquelle elle s’engendrait : aussi fûmes-nous heureux de constater à notre retour à Paris que le degré d’ébullition observé par nous au sommet du Mont-Blanc ne différait que d’un vingtième de degré centigrade de celui constaté par M. Regnault dans les beaux appareils du Collège de France. Pour le Grand-Plateau, l’écart était d’un centième, aux Grands-Mulets et à Chamounix d’un vingt-cinquième. Des différences aussi minimes prouvent un accord complet, et les tables des tensions de la vapeur de M. Regnault sont l’expression exacte des relations qui lient les températures aux pressions. La même année, M. Izarn obtenait dans les Pyrénées aux environs des Eaux-Bonnes, à de faibles hauteurs, des résultats qui, comme les nôtres, s’écartent en moyenne d’un vingt-cinquième de degré seulement des températures observées au Collège de France.

Un rayon solaire tombant sur un sommet élevé doit être plus chaud que celui qui, traversant les couches les plus basses et par conséquent les plus denses de l’atmosphère, descend jusque dans la plaine, ces couches inférieures absorbant nécessairement une quantité notable de la chaleur du rayon. Ce que le raisonnement faisait prévoir, la simple observation le confirme déjà. Tous les voyageurs qui s’élèvent sur les hautes montagnes sont surpris de la chaleur extraordinaire du soleil et du sol comparée à la basse température de l’air à l’ombre. Aux Petits-Mulets, à 4,680 mètres d’altitude, la neige avait fondu au contact des rochers et s’était convertie en glace compacte et glissante. Je ne pus employer dans mes expériences au sommet du Mont-Blanc les instrumens de physique imaginés par Herschel et M. Pouillet : je les avais laissés au Grand-Plateau ; mais un essai très simple me prouva combien la chaleur