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au chef du peuple libre de Maïna. — Accompagné de la fleur des guerriers du Magne, le bey se fit le guide des émissaires français à travers toute la contrée ; il les introduisit dans les forteresses, leur indiqua l’importance de chaque défilé, les questionna sur la tactique et la discipline européennes, fêta enfin leur présence tantôt par les jeux héroïques familiers à la jeunesse grecque, tantôt par des simulacres de combats. Le projet des Stephanopoli était de continuer leur mission dans le reste du Péloponèse ; mais Djanim leur fit comprendre qu’ils n’en sortiraient pas vivans, leur signalement ayant été donné à toutes les autorités turques. D’ailleurs il avait secrètement invité les principaux primats de la Morée à se rendre à Gythium pour y conférer des intérêts de la nation. La Livadie, l’Attique, l’Epire, la Crète même furent représentées à cette assemblée. « Que Bonaparte apparaisse à Corfou avec six mille Français seulement, s’écria l’un de ces primats, et nous répondons de la Grèce. » Mais l’heure de l’indépendance hellénique n’avait pas encore sonné ; Bonaparte avait ajourné ce projet lorsque ses envoyés lui adressèrent leurs rapports, dont on trouve un abrégé à la suite de la relation qu’ils ont publiée de leur voyage.

Cet épisode termine dignement le long règne de Djanim. La mission des Stephanopoli auprès de lui, ses aspirations bien connues à la complète indépendance de la nation, le congrès patriotique tenu à sa cour, fournirent de puissantes armes à ses ennemis. Il fut dénoncé au divan comme partisan des Français et fauteur des troubles qui commençaient à se manifester en Grèce. Heureusement les agens qu’il entretenait à Constantinople purent l’avertir à temps ; il parvint à se retirer à Zante, où il vécut longtemps encore entouré de la vénération publique.

Koumoundourakis, son adversaire, lui succéda en1805. Pris en mer par les Turcs, il fut pendu comme pirate. Antonio Glygorakis, plus connu sous le nom d’Anton-Bey, vint ensuite, et fut presque aussitôt dépossédé de sa dignité à la suite d’intrigues dont il est difficile de pénétrer le mystère. Zervakis et Théodoros apparaissent sur la scène et ne font que la traverser pour tomber, l’un dans les prisons des Sept-Tours, l’autre sous la balle d’un assassin. Désormais les seigneurs de Vitulo et Tziraovo n’avaient plus de rivaux sérieux ; le pouvoir passa naturellement entre leurs mains, et rien ne semblait devoir désormais le faire sortir de leur famille.

Pierre Mavromichalis, autrement dit Pétro-Bey, fut enfin proclamé en 1811. C’était alors un homme de cinquante ans, actif, orgueilleux, ambitieux, aimant le luxe, avide d’argent parce qu’il en était prodigue, particulièrement fier de la petitesse et de la beauté de sa main, signe de vieille race. Il aimait à rappeler en