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une succession de pentes unies, mais rapides, séparées par des plateaux étroits. Le cirque du glacier des Bossons était comme toujours un chaos de séracs, d’aiguilles et de pyramides de glace au centre desquelles plonge le mur oriental des Grands-Mulets. Les feuillets verticaux dont se composent ces rochers s’élèvent à des hauteurs variables, et forment autant de gradins qui permettent de grimper sur toutes les pointes. La roche, décomposée sous l’influence des agens atmosphériques, s’accumule entre les feuillets ; là végètent de jolies plantes alpines abritées par le rocher, réchauffées par le soleil qu’il réfléchit, humectées par la neige, qui, même en été, blanchit souvent ces cimes, et fond rapidement dès que le soleil luit pendant deux ou trois jours. En quelques semaines, elles accomplissent toutes les phases de leur végétation ; j’y ai recueilli dix-neuf plantes phanérogames en trois ascensions. M. Venance Payot ayant ajouté cinq espèces à cette liste, il existe vingt-quatre plantes à fleurs aux Grands-Mulets[1]. À ces vingt-quatre espèces phanérogames il faut ajouter encore vingt-six espèces de mousses, deux hépatiques et trente lichens, ce qui porte à quatre-vingt-deux le nombre total des plantes qui croissent sur ces rochers isolés au milieu d’une mer de glace et dépourvus en apparence de toute végétation. Qui le croirait ? ces plantes servent de nourriture à un rongeur, le campagnol des neiges[2], celui de tous les mammifères qui s’élève le plus haut sur les Alpes, tandis que ses congénères sont presque tous des habitans de la plaine.

D’autres études réclamaient nos instans ; nous fîmes avec soin l’expérience de l’ébullition de l’eau avec l’appareil recommandé par M. Regnault. Vérifiant d’abord le zéro ou point de glace fondante en plongeant le thermomètre dans de la neige en fusion pour le vérifier de nouveau après l’expérience, nous le placions ensuite dans un appareil disposé de la manière suivante : sur un vase en fer-blanc contenant l’eau qu’une lampe à alcool doit amener à l’ébullition s’adaptent exactement deux tubes également en fer-blanc emboîtés l’un dans l’autre, mais séparés par un intervalle de 15 millimètres environ. Le thermomètre, plongé dans le tube intérieur et traversant à son extrémité le bouchon qui, le ferme, est

  1. Voici la liste de ces plantes : Draba fladnizensis, Wulf. ; D. frigida, Gaud. ; Cardamine bellidifolia, L. ; C. resedifolia, Saut. ; Silene acaulis, L. ; Potentilla frigida, Vill. ; Phyteuma hemisphericum, L. ; Pyrethrum alpinum, Willd. ; Erigeron uniflorus, L. ; Saxifraga bryoides, L. ; S. groenlandica, L. ; S. muscoides, Auct. ; S. oppositifolia, L. ; Androsace htelvetica, Gaud. ; A. pubescens, D. C ; Gentiana verna, L. ; Luzula spicata, D. C ; Festuca Halleri, Vill. ; Poa laxa, Haencke ; P. cœsia, Sm. ; P. alpina var vivipara, L. ; Trisetum subspicatum, Pal. Beauv. ; Agrostis rupestris, All. ; Carex nigra, All.
  2. Arvicolïa nivalis, Mart.