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Le discours impérial a rappelé la stricte neutralité gardée par la France dans l’affaire des duchés. Certes le discours ne pouvait point nous informer de la fin de cette malheureuse question. M. de Bismark a évidemment résolu de faire durer la phase prussienne de l’affaire des duchés aussi longtemps qu’a duré la phase danoise. On peut s’en fier à lui : la conclusion de ce débat n’est pas proche, et en attendant la Prusse garde en sa possession les territoires contestés. La controverse est engagée aujourd’hui entre la Prusse et l’Autriche. On a cru un instant que l’Autriche essaierait d’obtenir de la Prusse, par des concessions du côté de l’Elbe, la garantie de ses provinces italiennes. C’était bien mal connaître le tempérament des deux grandes puissances allemandes. L’Autriche ne veut rien demander, car elle n’obtiendrait la garantie de la Prusse en Italie qu’à la condition, dit-elle, de devenir la vassale de la Prusse en Allemagne. Quant à la Prusse, rien ne la presse, et elle sait bien que par une démarche du côté de l’Italie elle compromettrait ses provinces rhénanes. Elle peut donc continuer à l’aise la discussion sur le régime qu’il convient de donner au Slesvig-Holstein. On lui demande de laisser s’établir dans les duchés le prince que ses droits y appellent et de négocier avec ce prince les arrangement qu’elle poursuit à son avantage. Elle n’en fera rien ; elle veut que les arrangemens soient convenus avec l’Autriche avant que l’affaire de l’institution princière soit décidée. Surtout que les états moyens et la diète de Francfort ne montrent point la velléité de participer au dialogue des deux grandes puissances allemandes ; au moindre geste d’intervention de ces intrus, M. de Bismark n’irait à rien moins qu’à briser la confédération germanique ! Le ministre prussien n’en est encore qu’à l’étape des arrangemens préliminaires, et l’on voit qu’il n’est point près de l’achever. Il a en perspective une seconde étape, celle de la fixation des droits de succession, et pour ce litige, qu’on fera durer tant qu’on voudra, M. de Bismark tient en réserve la consultation des officiers légaux de la couronne ! On voit que l’Allemagne, Prusse, Autriche, états moyens, a pour longtemps un bel os à ronger. Ce sera une consolation pour la France, puisqu’elle n’a point su prévenir la spoliation du Danemark, de voir ces dépouilles mal acquises devenir pour les puissances germaniques un inépuisable sujet de division. La confusion où sont tombées dans cette affaire la Saxe et la Bavière est déjà une juste rétribution de l’injuste et imprudente ardeur avec laquelle ces petits états s’étaient élancés contre le malheureux Danemark.

Un des mots que nous avons lus avec le plus de plaisir dans le discours impérial est celui qui nous annonce que l’armée du Mexique rentre déjà en France. Parmi les aventures que pourrait courir notre politique, il n’y en aurait pas de plus sotte et de plus déplorable que celle à laquelle risquerait de nous entraîner, dans nos rapports avec les États-Unis, une occupation trop prolongée du Mexique par des troupes françaises. Nous aurions moins d’inquiétude, si nous avions suivi nettement et fermement vis-à-vis de