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d’esclaves. Il en est même deux sur ce nombre dont le zèle est attiédi et la fidélité douteuse. La Caroline du nord a protesté à diverses reprises, la Virginie s’est scindée en deux parts, dont l’une s’est ralliée au drapeau de l’Union. Dans toute l’étendue du territoire règne un profond sentiment de lassitude. Les régions de l’ouest, livrées sans défense à des corps de partisans, implorent la paix comme leur seule garantie contre des ravages impunis. Il n’y a plus de passions que dans les armées, et encore sentent-elles à de certains momens leurs animosités se calmer et leur persévérance fléchir.

On le voit, toutes les chances sont aujourd’hui en faveur du nord ; il peut dicter ses conditions et n’a plus à redouter que ses propres faiblesses. Il a pour lui la force morale et la force matérielle ; il combat pour un principe, tandis que dans le camp opposé on ne combat que pour un intérêt. Le triomphe de ce principe sera une grande date dans l’histoire de l’humanité ; il n’y aura lieu de regretter ni l’argent sacrifié, ni le sang versé, s’il sort intact de cette lutte. Ce qui serait à jamais déplorable, ce serait d’avoir molli quand il fallait se montrer le plus ferme, de n’avoir obtenu en échange de tant de vies sacrifiées que des satisfactions stériles. Le vrai danger du moment est dans cette impatience d’en finir qui tend à précipiter les choses au risque d’une déception. L’humeur des Américains est prompte à mettre l’Europe en cause, à l’accuser des embarras qui leur ont été suscités, et jusqu’à un certain point leur plainte est fondée ; ils ne parlent pas de ceux que leur ont valus leurs dissentimens intérieurs. Ils se taisent sur ces complicités mal déguisées qui entretenaient le sud dans ses illusions et l’encourageaient dans sa résistance ; ils ne disent pas combien d’hommes du nord ont fait, dans le cours de cette guerre, des vœux contre leur propre parti et trahi sa cause jusqu’à employer la violence. Le tort qu’a fait au nord la malveillance extérieure est loin d’être l’équivalent du tort qu’il s’est fait à lui-même. C’est ce mauvais esprit, toujours agissant, qui, dans ces conjonctures, est ce qu’il y a le plus à redouter. Les factions, par leurs menées souterraines, peuvent troubler la conscience du président, tromper sa bonne foi, ébranler sa fermeté, l’amener à traiter avant l’heure. Peut-être faut-il voir leur main dans cette dernière conférence si légèrement acceptée, si brusquement rompue. Quel bien pouvait-on s’en promettre tant que le sud ne se désistait pas de sa prétention à l’indépendance ? Le seul préliminaire sérieux, c’est que la prétention et le mot soient retirés. L’indépendance du sud serait non-seulement la consécration indéfinie de l’esclavage, mais la guerre civile en permanence, par le seul effet d’institutions incompatibles et juxtaposées. Le jour où, sous un déguisement quelconque,