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l’influence de l’Europe prendra un caractère rigoureux. Là où les fournisseurs militaires trouvaient des marchés ouverts, ils ne rencontreront plus que des canons pour les tenir au large. Si ce plan réussit, la confédération, privée de ses communications maritimes, se consumera d’elle-même dans un prompt dépérissement.

Cet isolement a commencé dans son propre sein et sous la forme de défections successives. Tous les états engagés dans les débuts de la lutte n’y figuraient pas au même titre. Les uns y avaient un intérêt direct, les autres n’y avaient qu’un intérêt indirect. Les premiers occupent les vastes plaines qui, baignées à l’est par l’Atlantique et appuyées à l’ouest sur les chaînes secondaires des Alleghanys, s’élargissent à leur rencontre avec la vallée du Mississipi et vont aboutir au golfe du Mexique. C’est la zone du coton vouée exclusivement au travail servile et où domine l’influence des grands planteurs. La Virginie orientale, les deux Carolines, la Géorgie, l’Alabama, la Floride, sont dans ce cas. Les seconds de ces états se partagent la région qui des plateaux des Alleghanys descend vers l’Ohio et le Mississipi et renferme une population plus mêlée. Ceux-ci ont également leurs grands domaines et leurs marchés d’esclaves ; mais l’immigration y a versé de rudes pionniers qui exploitent le sol de leurs mains, et dont le nombre, constamment accru, tient en échec l’esprit de caste des anciens tenanciers dont ils n’ont épousé qu’à demi les rancunes et les colères. Ces états sont le Tennessee et le Kentucky. Les cultures libres y balancent, si elles ne les excèdent pas, les cultures serviles, surtout dans les parties montueuses et tempérées. C’est de cette région laborieuse que sont sortis, à une date récente, des signes menaçans pour le sud et sous la forme la plus significative, l’abolition. Le Tennessee s’est déclaré le premier ; on assure que le Kentucky va le suivre. Un cordon d’états libres se formerait ainsi autour du berceau de l’esclavage de manière à lui enlever toutes ses issues. Les mêmes symptômes de défection se sont montrés dans le Missouri, où l’affranchissement des noirs suit les voies légales. Pour la Louisiane, c’est un fait accompli depuis son occupation ; pour le Maryland, c’est une réforme volontaire, en pleine vigueur, qui a traversé l’épreuve des formalités. Le vide se fait ainsi autour du sud ; de plus en plus on l’enferme dans un cercle d’institutions réfractaires. Des quinze états à esclaves qu’il croyait liés à sa cause par une communauté d’intérêts, en voici déjà cinq qui la désertent par des démonstrations auxquelles il ne peut se méprendre. Trois autres, le Texas, l’Arkansas et le Delaware, ne lui apportent qu’un appoint insignifiant, et sont empêchés par les distances de lui porter secours. Ses forces se réduisent dès lors à sept états peuplés de trois millions de blancs et de deux millions