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et les officiers de Satzouma, les affaires une fois terminées, montrèrent, dans leurs manières et dans leur conversation avec les autorités anglaises, la plus grande affabilité. Ils donnèrent des détails sur le combat de Kagosima : la ville avait beaucoup souffert ; les pertes d’hommes, du côté des Japonais, avaient été bien supérieures à celles de l’amiral. En faisant la visite d’une des corvettes mouillées sur rade, les envoyés exprimèrent le regret de ne pas posséder un bâtiment de cette sorte ; mais le taïkoun, disaient-ils, ne permettrait pas au daïmio leur maître d’acquérir une aussi puissante machine de guerre. — Cette curieuse observation, jointe à d’autres que l’on avait pu faire en mainte circonstance analogue auprès de quelques officiers des daïmios, trahissait le vrai caractère de la politique des taïkouns. Fidèles au mot d’ordre des anciens souverains de Yédo, ils poursuivent avec persévérance l’abaissement de la vieille noblesse japonaise, et ils s’efforcent de la maintenir dans un état de division qui rend de plus en plus chimériques ses dernières aspirations d’indépendance. Sans avoir appelé les étrangers, le gouvernement japonais cherche à mettre à profit ses rapports avec eux ; il apprend des Européens l’art de la guerre, et il accapare avec soin les bénéfices énormes d’un commerce qu’il administre à son gré. L’imminence d’une nouvelle collision entre les Anglais et le prince de Satzouma lui avait sans doute inspiré la crainte de voir ce dernier leur ouvrir ses ports ; aussi le gouvernement avait-il poussé ou contraint le prince à entrer en accommodement avec les autorités britanniques ; beaucoup d’Européens pensaient même à Yokohama que, non content d’agir en conciliateur, il avait été, dans son inquiétude, jusqu’à faire au daimïo l’avance du montant de l’indemnité.

Au commencement de l’année 1864, l’ambassade chargée de visiter les différentes cours de l’Europe se trouva prête à partir. Deux fonctionnaires supérieurs des affaires étrangères étaient désignés comme chefs de la mission, composée d’une suite nombreuse d’officiers et d’interprètes. Une somme d’environ cinq millions de francs fut échangée chez un banquier de Yokohama contre des traites sur Londres, destinées à subvenir aux frais de voyage et de séjour. Comme preuve de ses pacifiques intentions, et sans doute pour ouvrir des voies plus faciles à la mission qui s’inaugurait, le gouvernement japonais fit coïncider le départ des ambassadeurs avec une mesure favorable à notre commerce : les droits considérables d’entrée qui pesaient sur nos principaux articles d’exportation furent abaissés jusqu’à 5 et 6 pour 100. Ce dégrèvement promis en 1862 par la première ambassade était en vain réclamé depuis lors par notre ministre.