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avaient devancés sur la frégate, reçurent à l’échelle, en même temps que les officiers de service, et avec de grandes marques de respect, ces deux personnages, qui, pour la première fois sans doute, mettaient le pied sur un navire de guerre européen. Rien dans leur extérieur n’indiquait leur rang élevé, si ce n’est la simplicité apparente de vêtemens qu’il est de bon goût, dans les hautes classes, de porter d’une couleur très peu éclatante, quoique l’étoffe en soit d’un grand prix, si ce n’est encore cette aisance de manières et cette politesse pleine de dignité que les Japonais possèdent plus que tout autre peuple oriental. L’amiral Jaurès les introduisit dans ses appartemens, où se trouvait depuis un moment le ministre de France ; puis, après l’échange de quelques complimens, le vice-ministre Inaba Iobouzeno aborda le sujet de l’entrevue, sans paraître compter pour rien la présence de son collègue Tachibana ldzoumo-no-kami, jeune homme à figure distinguée, qui sans doute remplissait en cette circonstance l’emploi inévitable de contrôleur ou ometske.

Le vice-ministre reprit tout d’abord les considérations développées par les membres du gorodjo dans la séance où ils avaient reçu les représentans des États-Unis et de la Hollande. « Les traités n’étaient qu’un essai ; l’application en avait suscité de graves embarras au Japon… » Arrêté par le ministre de France sur le terrain d’une discussion pour laquelle celui-ci avait déjà formulé son incompétence, le vice-ministre arriva immédiatement au sujet de l’entrevue. « Le gouvernement japonais désirait envoyer une ambassade en France. Son premier objet serait de présenter les excuses du taïkoun à l’empereur au sujet de deux événemens qu’il n’avait pu malheureusement prévenir, l’attaque d’un de ses bâtimens et le meurtre d’un officier français, puis elle s’occuperait du règlement des difficultés occasionnées par l’exécution des traités. » Les autorités françaises s’engagèrent à appuyer une mission qui se présentait sous ces auspices et à faciliter son départ ; elles mirent toutefois à ce concours quelques conditions indispensables : le chef de l’ambassade devrait être porteur d’une lettre autographe adressée par le taïkoun à l’empereur ; il serait choisi parmi les Japonais de haut rang et devrait être muni de pleins pouvoirs, contrairement à ce qui avait eu lieu en 1862. Le premier point surtout importait, car la fâcheuse impression causée en France par le meurtre du sous-lieutenant Camus ne pouvait, à défaut de la saisie des coupables, s’effacer que devant la manifestation officielle des plus vifs regrets du gouvernement de Yédo. Les vice-ministres déclarèrent qu’ils communiqueraient aux chefs des deux gouvernemens ces considérations, qui leur paraissaient équitables ; puis ils terminèrent l’entrevue par une visite minutieuse de la frégate. Les Japonais ne