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dans cette séance, les ministres de France et d’Angleterre se concertèrent pour répondre par un refus formel. Ils ne pouvaient, écrivirent-ils, recevoir verbalement ni discuter une communication concernant l’abandon de Yokohama. Tout ce qu’ils consentaient à faire était de transmettre, sans commentaires, à leurs gouvernemens les propositions écrites qui leur seraient adressées sur ce sujet ou sur toute autre modification aux traités. Quelques jours après, le gorodjo écrivit aux ministres étrangers pour leur notifier la déclaration déjà faite dans la conférence de Yédo. Il affirmait de nouveau retirer, comme non avenue, la lettre relative à la fermeture générale des ports du Japon. Cette concession tardive fut portée aussitôt par les ministres à la connaissance de leurs gouvernemens respectifs. Quant à la question particulière de l’évacuation de Yokohama, elle en resta là pour le moment ; mais le génie inventif des Japonais était loin de se tenir pour battu.

Dans les premiers jours de novembre, les gouverneurs de Yokohama écrivirent aux amiraux français et anglais chargés de la défense de la ville que, « vu l’extension journalière des relations amicales entre l’Europe et le Japon, la construction d’un fort et d’une batterie à Benten (quartier indigène de Yokohama) venait d’être décidée dans une pensée de protection mutuelle. » Quoique la lettre fût une simple. notification, il était du devoir des commandans en chef de s’enquérir, en raison du titre même qu’ils tenaient du gouvernement japonais, de l’emplacement de l’ouvrage projeté et de l’opportunité de la construction, car la lettre d’avis des gouverneurs était énigmatique sur ces deux points. Les amiraux se rendirent donc sur les lieux, accompagnés des officiers chargés du service de la place, après y avoir appelé les autorités japonaises. Yokohama s’appuie, on le sait, au nord et au sud, contre une double rangée de collines. Celles du nord, contiguës au quartier japonais, dont le canal de circumvallation seul les sépare, sont occupées par les gouverneurs et une partie des troupes japonaises. Le reste de ces troupes habite des casernes à l’extrémité du quartier indigène, au bord de la mer. C’est devant ces casernes qu’on avait tracé l’emplacement de la future batterie. Or on ne pouvait admettre que cet ouvrage eût pour but la protection de la ville ou du mouillage. À part les châteaux forts qui servent depuis des siècles de résidence à leurs daïmios, les Japonais n’ont jamais fortifié leurs villes ; les batteries qu’ils ont construites depuis peu d’années défendent toutes, soit un mouillage, soit un détroit, pour s’opposer, en cas de guerre, à l’approche des vaisseaux étrangers. Telle n’était pas sans doute la destination de la batterie de Benten. Posée en face du mouillage des bâtimens de guerre et de commerce, elle ne pouvait, en cas d’une attaque par mer, que faire feu sur les