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transmis, et le gouvernement de Yédo a dû le notifier à son tour, tout en sachant que cet ordre n’est pas exécutable. Aujourd’hui notre but est d’aller en grand nombre à Kioto, où se trouve notre taïkoun, entouré d’ennemis qui cherchent à le détrôner pour se faire nommer à sa place. Nous voulons lui rendre la liberté, ce qui lui permettra de justifier ses actes et de faire revenir le mikado sur sa détermination. » Le daïmio concluait par une bizarre requête. Il demandait à l’amiral un ou plusieurs de ses navires de guerre pour l’aider à transporter sous pavillon japonais les troupes qu’il était nécessaire d’envoyer le plus tôt possible à Osaka. Les vapeurs du taïkoun étaient tous, à l’exception d’un seul, employés à diverses missions ou hors d’état de prendre la mer. Cette proposition fut repoussée, un pavillon étranger ne pouvant jamais, sur un navire de guerre, se substituer aux couleurs nationales. Les amiraux offrirent seulement de prêter appui au taïkoun en paraissant devant le port d’Osaka, où ils déposeraient par la même occasion des troupes japonaises. Un concours aussi manifeste ne parut point du goût du vice-ministre Sakaï. Pour rétablir l’ordre dans le pays, le gouvernement de Yédo n’avait pas, selon lui, besoin d’employer la force ; s’il échouait toutefois dans son entreprise, il se déciderait enfin à accepter l’aide qui lui était si franchement offerte. Dans une nouvelle conférence qui eut lieu le lendemain à bord de la Sémiramis, et où assistèrent les autorités anglaises, le vice-ministre fut autorisé à noliser pour Osaka des vapeurs de commerce anglais qui se trouvaient alors sur rade. Un dernier incident se produisit à la fin de cette conférence. La population étrangère de Nagasaki était tenue en alarme par de nombreuses troupes japonaises qui campaient sur les hauteurs voisines de la ville. On insista auprès du vice-ministre pour qu’on affranchît les étrangers de cette surveillance désormais sans objet. Sakaï consentit à écrire immédiatement au gouverneur de Nagasaki, et sa lettre fut remise au capitaine du Kienchan, petit aviso à roues de notre division en partance pour la Chine, qui appareilla aussitôt. Ce navire avait ordre de passer par la Mer-Intérieure et de faire escale dans le port de Nagasaki, afin d’y remplir sa mission.

Le 9 juillet et les jours suivans, un grand mouvement de troupes japonaises se fit aux environs de Yokohama. Les vapeurs de commerce prêtés au vice-ministre arborèrent le pavillon du taïkoun[1], et prirent à bord de nombreux officiers et des détachemens d’infanterie. On vit défiler ces derniers dans les embarcations avec leurs tuniques blanches, leurs chapeaux de laque noire en forme de toit,

  1. Pavillon blanc portant au milieu une sphère rouge ; c’est l’emblème du soleil levant.