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régulier de surveillance autour du quartier des étrangers et des rondes de nuit auxquelles concoururent des contingens des autres nations ; de plus, un bon poste de fusiliers marins fut installé sur une des collines qui serrent de près la ville européenne et d’où l’on domine à la fois la rade et le pays. En cas d’attaque nocturne, les troupes à terre devaient, sur des signaux déterminés, se masser en de certains points, et les navires envoyer en toute hâte leurs embarcations et des renforts. De la sorte, on pouvait repousser les assaillans, ou bien, la défense de la ville devenant impossible, donner au personnel des légations et consulats et aux résidens le temps de se réfugier à bord des bâtimens de guerre.

Tandis qu’on prenait ces sages précautions, et le lendemain même du paiement de l’indemnité Richardson, il se produisit un incident qui parut tout d’abord un audacieux défi. Un vice-ministre du taïkoun, celui qui avait apporté de Yédo aux gouverneurs l’ordre définitif de satisfaire aux réclamations des Européens, adressait à tous les représentans étrangers la lettre suivante :


« J’ai l’honneur de communiquer à votre excellence, par la présente, que j’ai été nommé avec pleins pouvoirs pour traiter au sujet de ce qui suit :

« J’ai reçu l’ordre de sa majesté le taïkoun, lequel a reçu l’ordre lui-même du mikado, de fermer les ports ouverts, et d’éloigner les étrangers sujets des puissances ayant conclu des traités, attendu que notre peuple ne veut avoir aucune relation avec eux ; ainsi on traitera plus tard avec votre excellence à ce sujet.

« Présenté avec respect et considération le neuvième jour du cinquième mois de la troisième année de Bonkiou (24 juin 1863).

« ONGASAWARA-DZOUZIOU-NO-KAMI. »


Les gouverneurs venaient en même temps déclarer aux ministres anglais et français que si le taïkoun avait donné cet ordre, c’était pour obéir au mikado, le souverain suprême, qu’il n’avait pas encore pu rallier à sa politique ; ce décret d’expulsion ne serait pas exécuté. Les représentans étrangers, ne sachant encore s’ils devaient prendre ou non au sérieux une notification aussi insensée, y firent la réponse qu’elle méritait, déclarant remettre le soin de l’exécution des traités aux mains des commandans en chef des forces européennes. À quelques jours de là, un membre du second conseil de Yédo, le prince Sakaï-Hida-no-Kami, vint aussi demander à entretenir l’amiral français de matières importantes. Le 1er juillet, il monta avec sa suite à bord de la Sémiramis, où s’était rendu de son côté M. de Bellecourt. Poussé tout d’abord à s’expliquer au sujet de l’ordre d’expulsion, il répéta la déclaration des gouverneurs. « C’est la première fois, ajouta-t-il, que le mikado, trompé sur le compte des étrangers, a donné un ordre injuste ; le taïkoun l’a