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24 juin, les gouverneurs de Yokohama se rendaient à la légation de France et demandaient une audience au ministre. « Le gorodjo, lui disaient-ils, appréciant vos conseils et ceux de l’amiral français, s’est décidé à payer les Anglais. Nous avons à la douane les fonds nécessaires ; mais, comme nous ne pouvons ni ne désirons avoir de relations avec les autorités britanniques, nous vous proposons de remettre la somme entre vos mains. De cette façon, tout sera fini, s’il n’est pas trop tard pour que le ministre d’Angleterre puisse encore accepter le paiement. » M. de Bellecourt fit comprendre aux gouverneurs qu’il ne pouvait remplir cet office d’intermédiaire, mais qu’il consentait à intercéder auprès du colonel Neal pour amener l’heureuse solution des difficultés. Grâce à son entremise, tout fut réglé. Une heure après, le chargé d’affaires d’Angleterre informa les gouverneurs qu’il renouerait des relations pacifiques, si le paiement immédiat et intégral de l’indemnité était accompli le 24, avant sept heures du matin. Dès l’aube, un convoi de charrettes à bras, escorté d’officiers japonais, sortit donc de la douane, et se dirigea vers la légation britannique. Les Japonais cette fois s’exécutaient sans restriction et apportaient les 110,000 livres en bonnes piastres mexicaines.

Ainsi se termina pacifiquement, après deux mois de pourparlers et d’alternatives, ce premier incident de l’affaire Richardson. Au bout de quelques jours, la confiance paraissait revenue à Yokohama, et le commerce commençait à reprendre. L’amiral Jaurès sentait néanmoins qu’il ne devait pas s’endormir. À sa requête, le gorodjo lui adressa dans les premiers jours de juillet, ainsi qu’à l’amiral Kuper, une lettre qui déclarait les commandans en chef des forces anglaises et françaises chargés officiellement et au même titre de la protection de Yokohama, et les autorisait à se concerter au besoin, pour assurer cette défense, avec les commandans des navires d’autre pavillon mouillés sur rade. La communauté de vues et d’action de toutes les puissances ayant des traités avec le Japon était garantie par cet arrangement. L’amiral ne s’en était pas tenu là. Au moment le plus critique du différend, il avait appelé de Shang-haï la corvette le Monge et 250 hommes du 3e bataillon d’Afrique[1]. L’arrivée de ce renfort lui permit d’établir un système

  1. A la même époque, le vice-amiral Kuper, prévoyant qu’il pourrait avoir besoin de troupes de débarquement, avait demandé au gouvernement de Hong-kong et au commandant de la garnison anglaise de Shang-haï de mettre à sa disposition un ou deux régimens d’infanterie. Cette demande était une simple prière, motivée par la gravité imprévue des événemens, car à moins d’ordre précis de la métropole, les forces anglaises de terre n’ont aucune communauté d’action avec les forces de mer dans les mêmes parages. Les autorités militaires de Hong-kong et de Shang-haï ne crurent pas les circonstances assez impérieuses pour qu’il y eût lieu de déroger à la règle, et la demande de l’amiral fut rejetée.