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C’est une calme controverse que celle de l’instruction primaire, si on la compare aux luttes qu’excitent parmi nous depuis quelque temps les rapports de l’église et de l’état. Il semblait, à la fin du discours de M. Guéroult, que cette lutte dût vivement passionner le corps législatif ; ’M. Guéroult avait de propos délibéré touché aux points les plus irritables de la question, aux points où se présentent les contradictions les plus choquantes du système qui préside actuellement aux rapports de l’église et de l’état. Ce système, il faut bien l’avouer, place un certain nombre d’intérêts catholiques sous le régime du bon plaisir, régime qui peut prendre vis-à-vis de ces intérêts ou l’attitude de la faveur, ou l’attitude de la persécution. C’est ce qui arrive notamment pour la masse des congrégations non autorisées, qui ne sont point constituées sur un état légal, qui n’existent que par la tolérance du gouvernement. En envisageant la question des congrégations au point de vue catholique, Il est incontestable que les associations religieuses sont une des formes naturelles et légitimes du catholicisme, et que l’êtât ne peut s’arroger le droit d’interdire le développement de ces associations sans porter atteinte à la liberté de l’église ; mais, d’un autre côté, les associations en France ne sont point placées sous le régime du droit commun, leur existence dépend du pouvoir discrétionnaire du gouvernement. Les congrégations catholiques ne jouissent donc en France que d’une liberté de tolérance qui leur est accordée par le pouvoir, liberté qui prend le caractère d’une faveur et d’un privilège, si l’on considère combien l’état se montre chez nous ombrageux, restrictif et prohibitif envers l’esprit d’association.

C’est cette contradiction qui émeut et révolte les politiques de l’école de M. Guéroult : la liberté d’association n’est pas de droit commun en France ; ils ne veulent point qu’elle soit accordée par tolérance, par faveur, par privilège, aux congrégations catholiques. Ce qui donne une apparence logique à cette protestation, c’est que les congrégations religieuses sont directement reliées par leur hiérarchie à la cour de Rome, et que cette cour, par sa dernière encyclique, ayant condamné plusieurs des principes essentiels de notre constitution politique, l’état en France gratifie d’une faveur exceptionnelle des congrégations dirigées par un esprit hostile à nos institutions. Se fondant sur ces contradictions choquantes, M. Guéroult et ses amis somment le gouvernement de retirer aux congrégations illégales une faveur dangereuse, ou bien d’exercer sur elles une surveillance sévère. Il est évident que l’état commet une inconséquence, s’il refuse d’écouter M. Guéroult, et que, s’il se rendait à ses conseils, il fournirait aux catholiques de violens sujets de plainte. Dans les termes où M. Guéroult prend la question, il n’y a pas de solution équitable et sûre, car les choses demeurent soumises aux caprices et aux chances de l’arbitraire gouvernemental. La portion, suivant nous, la plus avancée de l’opinion libérale, celle que M. Jules Favre aurait sans doute représentée, si ce débat n’eût été clos