Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/1053

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ôter chez nous toute espèce de signification à l’existence d’un théâtre italien. À ce système, Bellini dans sa seconde période, le Bellini des Puritains, commençait à se rattacher lorsqu’il mourut. Donizetti, en praticien habile, vit la situation, l’exploita, et de l’ancien rossinisme, dont en en Italie même on ne voulait plus, passa au nouveau plein d’avenir ; plein devenir, entendons-nous, pour la fortune du compositeur et de son continuateur Verdi, car il est certain qu’un pareil renouvellement ne pouvait avoir lieu qu’aux dépens du genre. L’opéra italien, du jour où il se ferait à Paris avec de l’Auber, du Meyerbeer, du Rossini et du Bellini, cesserait forcément d’être pour l’Italie un article d’exportation. Chose très digne de remarque, en même temps que l’Italie nous empruntait le secours de nos armes, elle abdiquait musicalement devant notre système dramatique, perdant ainsi par un côté cette existence nationale que de l’autre nous lui apportions. Donizetti fut un éclectique ; Verdi, comme Halévy, commente Meyerbeer. Après Robert le Diable la Juive, après la Juive il Trovatore, et ainsi de suite. Que nous sommes loin désormais de cette Italie des Italiens qui régna sur l’Europe, l’Italie des Cimarosa, des Paisiello, des Rossini, des Bellini ! Un pas de plus, vous touchez à Richard Wagner. On n’imagine point combien, sur ce terrain, les idées ont voyagé. En 1817, lorsque le Titus de Mozart fut représenté à Milan, dès le finale du premier acte, plusieurs s’écrièrent : « Ce n’est pas de la musique cela, c’est de la philosophie ! » Allez à Milan aujourd’hui, vous y trouverez tout un parti pour la musica filosofica. C’est ce parti qui fait le succès de nos ouvrages, proclame un chef-d’œuvre le Faust de M. Gounod, et prend plaisir à discuter Richard Wagner. En présence d’un semblable état de choses, il est donc permis de se demander quelles ressources un théâtre italien à Paris doit attendre désormais de la mère-patrie. Et, d’autre part, si ce théâtre ne tient en réserve que des articles de confection française et allemande, quelle raison a-t-il de subsister ? Ce prétexte d’être une école de gai savoir, une sorte de conservatoire où se perpétue la grande tradition de l’art vocal, ne saurait même plus être invoqué en sa faveur. Il n’y a plus là ni tradition ni troupe, c’est un va-et-vient continuel de personnalités plus ou moins fameuses qui se rencontrent en un caravansérail, et, toujours prêtes à lever le pied, traitent la plupart du temps leur voix, leur style et leur inspiration comme des objets d’un inutile déballage. Qu’on ne me parle pas de l’exécution des chefs-d’œuvre classiques, car c’est à Ventadour qu’il faut aller maintenant pour les voir travestis. Je consens à me taire sur Don Juan, mais prenez les Noces de Figaro, que le public a pu entendre à tour de rôle aux italiens et au Théâtre-Lyrique, on s’était mis en frais cette fois, on avait soigné son attitude, et cependant qui fut battu ? de l’interprétation italienne ou française, laquelle l’emporta ?

On dit : Il ne se fait plus de chanteurs. On se trompe : les chanteurs existent, mais dispersés. Jadis ils n’étaient que là, ils sont aujourd’hui un peu partout. Voyez M. Faure, Mme Carvalho, voyez surtout combien de talens, de