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d’envoyer leurs ouvrages à l’exposition universelle de Paris, si bien qu’en ce temps-là les peintres de talent (M. Palizzi par exemple) étaient forcés de s’exiler pour se faire connaître. Maintenant toutes les prohibitions sont levées, et une association sérieuse (la Promotrice) s’est organisée pour offrir aux artistes un peu de gloire ou tout au moins du travail. La sculpture est remise en honneur après avoir été molestée par la pruderie des anciens maîtres. Le nouveau pouvoir commande aux sculpteurs les statues d’illustres Italiens dont les figures aussi bien que les œuvres étaient autrefois à l’index. Le Gianbattista Vico qu’avait taillé en marbre un prince de la maison de Bourbon, le comte de Syracuse, n’a pu décorer la Villa-Reale, les Tuileries napolitaines, que depuis la dernière révolution. La statue du premier des Italiens, le vieux Dante, ouvrage de M. Tito Angelini, ne tardera pas à être inaugurée sur une place publique de Naples. C’est ainsi que l’ancien royaume des Deux-Siciles voit aujourd’hui se développer librement dans tous les sens l’activité intellectuelle de ses habitans. Toutefois, il faut le confesser, l’archéologie se plaint amèrement du nouveau régime. « Avant la révolution, disent les antiquaires, la plupart des sciences étaient prohibées, mais la nôtre du moins trouvait grâce auprès du gouvernement. Quand l’archéologie ne paraissait pas trop raisonneuse ni trop libre, on la tolérait, elle prenait ses coudées franches ; nous pouvions écrire impunément plusieurs volumes in-quarto sur les vingt-quatre premières années d’Hercule et passer des années entières sur une peinture effacée pour savoir si les jambes qu’on y apercevait encore étaient celles d’un Apollon ou d’un Adonis. Maintenant les esprits sont ailleurs, la question de Rome et de Venise passe avant les jambes d’Apollon et d’Adonis. Il nous restait un dernier refuge, l’académie d’Herculanum ; on l’a supprimée. » Ceci n’est point tout à fait une plaisanterie, ces plaintes ont été sérieusement formulées, portées même en très haut lieu. On peut répondre néanmoins aux antiquaires que le nouveau régime ne les a pas laissés sans travail, que les fouilles de Pompéi, la réorganisation du musée, sont des travaux considérables, vivement poussés par l’intelligente activité de M. Fiorelli, que si l’archéologie n’est plus l’unique science officiellement cultivée, elle ne peut que gagner à l’intervention de la philosophie et de l’histoire, qui lui rendent, contre ses précieux documens, la pensée et la vie. Enfin l’académie d’Herculanum a été déjà remplacée par l’académie de Naples, institut complet où sont représentées avec éclat les sciences naturelles, les sciences morales et politiques, et où les archéologues siègent encore, mais ne règnent plus seuls. Cette académie publie dans ses bulletins des travaux fort estimés ; il en est d’autres, — l’Academia Pontaniana par exemple,